Page 1 sur 1 • Partagez

Tout à un prix
Darren & Lyanna
Max Carnghy parcourait les couloirs d’un pas très rapide.
Ses enjambées allaient au-delà de son rythme naturel, ce qui lui donnait l’air d’être à chaque fois sur le point de courir. Encore entièrement équipé de son gilet et de ses armes, il s’était simplement libéré du poids de son casque. Son visage était sale, bariolé d’une couleur de camouflage que la sueur et la poussière avait affiné. Son bras était entouré d’un bandage sale vers le biceps mais il n’y avait pas de sang séché.
Entre son demi-trot et son allure très pressé, son souffle saccadé lui donnait un air presque paniqué.
« Hé les mecs, vous avez pas vu Lyanna ? »
Les badauds qui ne connaissaient pas du tout le soldat se regardèrent, étonnés.
« La sorcière. Celle qui claque les hommes ! »
Ils la remirent aussitôt et firent non de la tête.
Max poussa un soupir et continua sa quête dans les couloirs menant au mess ou aux dortoirs des soldats locaux.
« Vous auriez pas vu celle qui tape les mecs ?!? »
« J’m’y approcherai pas si j’étais toi. »
« Comme si j’en crevais d’envie, tiens ! » râla-t-il tout en repartant.
Pendant une bonne quinzaine de minutes, Max ricocha entre les différents endroits stratégiques sans parvenir à trouver l’Amazone. Il était presque affolé, insistait, s’énervait. Mais enfin, il tomba sur un Athosien qui connaissait bien Teyla. Et celui-ci savait que les deux femmes étaient amies.
Il passa un appel radio de la part de Max pour Teyla, laquelle lui affirma que son amie devrait être au gymnase en train de s'entraîner. Le soldat n’attendit pas plus. Comme si l’Athosien avait donné le top départ une fois l’information principale donnée, Max s’élança dans les couloirs en courant.
« Teyla a dit qu’il fallait éviter de... »
« Je sais !!! » cria-t-il en disparaissant dans le détour du couloir.
Quand il parvint au gymnase, Max était à bout de souffle. Il débarqua à l’entrée en manquant de renverser deux personnes qui quittaient leur cours de gymnastique. Le jeune homme s’excusa brièvement puis passa dans les groupes les moins nombreux en appelant Lyanna. Une jeune femme, qui savait que l’Amazone s’entrainait toujours à l’écart, la pointa du doigt avec un regard inquiet. Max se dirigea droit dans sa direction non sans éprouver une certaine angoisse.
Déjà, des regards inquiets suivaient son approche. Les sportifs se demandaient ce qu’un soldat encore tout équipé, blessé et sali pouvait bien faire ici. Ce qu’il pouvait bien lui passer par la tête en abordant Lyanna aussi directement.
« Hé, t’es là ! Je t’ai cherché partout. » fît-il, sans reproche, en la rejoignant rapidement.
En entendant une voix de mâle, Lyanna arrêta aussitôt son entraînement. Elle se trouvait au gymnase depuis une vingtaine de minutes, armée de deux sabres de bambou, entrain de perfectionner ses techniques de combat comme elle le faisait régulièrement pour se maintenir en forme. Généralement, personne ne venait la déranger, excepté peut être Teyla ou une autre femme voulant s'entraîner. Mais aucun homme n’avait envie de s’attirer les foudres de la Kiranienne. Alors là, un mâle qui l’interpellait et qui la dérangeait, cela ne put que provoquer son courroux. La jeune femme se retourna lentement, cherchant déjà de son regard noir celui qui avait eu l’audace de la déranger. Ses yeux se posèrent sur un jeune homme, militaire vu sa tenue, et qu’elle connaissait. C’était l’un des amis de Darren, le plus jeune de la bande. Celui qu’elle n’avait pas pu frapper la première fois qu’elle l’avait rencontré. Lyanna n’en revenait pas de voir Max ici, s’approcher d’elle d’un pas précipité. Et surtout seul.
Le militaire s'immobilisa néanmoins d’un coup en se rappelant à qui il avait affaire. Carnghy garda une distance de sécurité et pinça des lèvres, le regard chargé d’appréhension. Bien qu’il soit militaire, il craignait l’Amazone depuis leur première embrouille et il n’avait pas besoin de subir une agression.
Il leva ses deux mains, dont l’une tenait encore son casque, dans un signe d’apaisement.
Le jeune homme semblait différent en mission. Moins gamin et naïf.
« Tu te souviens de moi ? Je suis le pote de Darren. »
"Toi !" lança-t-elle sur un ton froid.
Autant dire que oui, Lyanna l’avait reconnu. Pas besoin de lui rappeler qu’il était l’ami de Darren, elle savait très bien qui il était. La jeune femme se retourna complètement pour lui faire face, jouant avec ses sabres d’une manière menaçante, sans quitter Max des yeux. Il fallait dire que lors de leur première rencontre, Lyanna n’avait pas apprécié le jeune homme. Et depuis, ce dernier était mentalement écrit sur sa liste de mâles qu’elle n’aimait pas. Heureusement que Darren était son ami, sinon la guerrière s’en serait déjà pris à lui. Quoique, le voir là, tout seul, il voulait peut être se battre, non ?
"Qu’est ce que tu viens faire ici, à me déranger pendant mon entrainement ? Je n’ai pas réussi à te frapper la dernière fois, mais on peut arranger ça, si tu veux" dit-elle en désignant l’un de ses armes.
« Hin-hin-hin ! J’suis mort de rire ! Je suis pas venu te servir de tête à claque. » répliqua-t-il. « Écoute, on pourrait pas faire la paix juste “deux” minutes ?!? »
Lyanna soupira discrètement. Ce Max n’était vraiment pas drôle, à lui priver d’une bonne occasion de se défouler sur lui. Elle pourrait refuser et l’envoyer balader, avant de se jeter sur lui. Même si cela n’allait pas du tout plaire à son amant. Cependant, un détail lui fit froncer les sourcils. Elle détailla Max du regard, des pieds à la tête. Le soldat avait non seulement l’air sérieux, mais il portait sa tenue d’exploration. Sauf qu’au lieu d’être sur le départ, il semblait revenir de la guerre. Mais … pourquoi ? Que faisait-il dans cette tenue, à venir la voir elle, dans le gymnase au lieu d’être sur elle ne savait quelle planète, ou à l’infirmerie, ou tout simplement avec ses supérieurs ? Et sans ses coéquipiers ? Et surtout : pourquoi lui, et pas Darren ? Lyanna savait que le soldat était parti en mission avec le D4. Alors voir Max là, seul. Quelque chose n’allait pas. La guerrière commença à ressentir de l’inquiétude, et elle jeta un oeil à l’entrée du gymnase, espérant y voir Darren. Mais personne. Elle reporta alors son attention sur le jeune homme.
"Où est Darren ?"
Le regard de Max changea. Il ne voulait pas lui mentir.
« Je...je sais pas. On a perdu le contact avec son équipe. Il est quelque part avec April. »
Lyanna sentit son coeur faire un bond dans sa poitrine. Savoir que Darren était perdu quelque part, coupé du reste des Atlantes, n’était pas du tout plaisant à entendre. Et même s’il était avec April, les deux militaires étaient seuls quelque part, sans renfort. De quoi inquiéter davantage la guerrière.
"Quoi ? Qu’est ce qui s’est passé ?"
« On est en train de démanteler un gros réseau de drogue. C’est pas joli-joli là bas. » reconnut-il.
« Mais j’viens pas pour ça. Ridding conduit les opérations et il guette les passage à la Porte. Ses gars ont arrêté une fille. »
Lyanna n’aimait pas ce qu’elle venait d’entendre. Une mission qui tournait mal, ça arrivait. Mais une mission qui tournait avec Darren, c’était quelque chose que la jeune femme craignait. En plus, Ridding était ajouté à l’équation, c’était donc très mauvais vu ce qui s’était passé la dernière fois. La guerrière baissa alors ses armes, plus inquiète que d’être en colère en cet instant. Max avait gagné un répit. Mais la jeune femme ne voyait pas où il voulait en venir, ni pourquoi il était là. Elle ne faisait pas partie de cette mission, et Ridding gérait la situation, vu qu’il avait intercepté une femme qui était visiblement liée à cette mission. Alors, pourquoi venir la voir, elle ?
"Mais qu’est ce que tu fais là ? Pourquoi tu n’es pas sur la planète à chercher Darren et April pour les secourir ?"
« Ouais bah moi aussi, j’suis super inquiet pour eux. » rétorqua nerveusement Max. « Mais Jim s’est servi de son grade pour m’envoyer chercher du ravitaillement. Il m’a dit d’aller te trouver au plus vite et de te montrer ça. »
Le soldat tapota sur son gilet puis fouilla fébrilement les poches. Il en sortit un petit appareil photo qui lui échappa des mains. Max tenta de le ratrapper, jonglant avec plusieurs fois, avant de pouvoir le stabiliser et cesser cette démonstration d’inquiétude.
« Attends. J’l’allume. »
Il exécuta la commande, alimenta l’appareil qui déploya son focus. Puis après avoir appuyé sur quelques boutons, il afficha l’image d’une jeune femme brune recroquevillée dans un lit de camp. Une ancienne installation enterrée semblait avoir été recyclée comme prison. Et à voir le matériel alentour d’origine Atlante, c’est Ridding qui avait investi l’endroit pour l’utiliser de cette façon. Le mauvais souvenir n’avait pas quitté l’Amazone et elle allait reconnaître sans mal les différents indices qui révélait l’usage.
Une salle d’interrogatoire...des cellules de détention. Le domaine du lieutenant Ridding et de sa folle : Magda Rahim.
Lyanna était encore en droit de se demander pourquoi le plus ancien du D4 lui avait envoyé Max en tant que messager. Cette photo provenait manifestement de lui et vu la qualité du cliché, elle n’avait pas été prise officiellement. Surtout qu’il avait joué de son pouvoir pour le faire venir ici, trouver Lyanna. L’image était plutôt floue. Rassuré par cette paix éphémère, Max se posta à côté d’elle et lui déclara qu’il y en avait plusieurs. Il navigua sur les différents clichés. La prisonnière tentait de cacher son visage. Mais enfin, sur la dernière, Lyanna fût choquée par cette silhouette devenue peu à peu familière.
Une décharge électrique l’impacta lorsqu’elle comprit enfin qu’il s’agissait du visage sombre et émacié d’Abelle.
Cette fille que Ridding avait emprisonné, c’était sa servante d’Héstevic. Elle était loin, très loin de chez elle. Son naturel joyeux, son air éclatant, tout avait disparu pour quelque chose de sombre et de...criminel. Ca ne s’expliquait pas, ça se voyait. Abelle était habitée par quelque chose de totalement différent de son tempérament.
« Alors ? Tu sais qui c’est ? »
Lyanna ne répondit pas de suite, son regard resta fixé sur l’image de la jeune femme. Elle n’en croyait pas ses yeux. Mais que faisait Abelle sur cette planète ? Si la mission s’était déroulée à Héstevic, Darren lui en aurait parlé avant de partir. C’était incompréhensible.
"Abelle" souffla-t-elle sans quitter l’image des yeux.
La guerrière ne reconnaissait plus sa servante. Est ce que c’était à cause de Ridding et de Rahim ? Sa douloureuse expérience lui revint en tête, elle savait parfaitement comment ces deux personnes interrogeaient et traitaient leurs prisonniers, même innocents. Lyanna ressentit une bouffée de colère l’envahir. Abelle avait des ennuis. Darren avait des ennuis. Elle voulait leur porter secours.
"Je pars à la recherche de Darren et April. Et je vais aider Abelle et la sortir de là avant qu’ils lui fassent du mal".
Lyanna commençait déjà à s’éloigner vers la sortie du gymnase, sans même savoir si les Atlantes allaient la laisser partir. Si elle devait menacer des gens pour passer la Porte des Etoiles, elle le ferait sans hésiter.
« Eh oh ! Ola oh !! » s’écria Max en se mettant sur son chemin, ouvrant les bras. « Mais arrête, t’es fêlée ? On passe pas la Porte comme ça ! »
Le soldat sentait les embrouilles arriver. Elles s’appelaient Lyanna.
« Tu peux pas débouler comme ça, en pleine mission anti-drogue, et faire ta loi ! Tu te rends pas compte ! Te faut une autorisation. »
Lyanna dut s’arrêter lorsque Max lui barra la route, et elle dut se faire violence pour ne pas le dégager de son chemin. Le protocole Atlante était vraiment ennuyant, devoir demander une autorisation, faire de la paperasse inutile, quand des explorateurs étaient en danger. La guerrière leva les yeux au ciel, énervée.
"Et je suis censée faire quoi ? Pourquoi tu es venu me voir et me dire ça, si je ne peux pas aller les chercher !"
« Alors, de un : J’savais pas moi-même pourquoi je venais. C’est Jim qui m’a dit de te montrer ça. Du coup, y’a forcément une raison. De deux, si tu veux passer, y’a que le chef d’opération qui peut t’y autoriser. »
Il déglutit.
« Le chef d’opération, c’est le lieutenant Ridding. »
"Ben voyons, faut avoir l’accord de ce mâle !!!"
Lyanna ne parvenait pas à cacher cette haine qu’elle avait pour Ridding. En parlant, elle leva les mains en l’air, en faisant demi tour comme si elle parlait à quelqu’un d’invisible. Décidément, elle n’avait aucune chance d’aller sur cette planète pour apporter son aide. Elle fit volte face, le regard noir de colère, et posa ses yeux sur Max.
"Je tente quand même le coup. Si je dois le frapper et le tuer pour aller sur cette planète, alors je le ferais !"
Max resta silencieux, l’air interdit.
Il secoua la tête, n’en revenant pas.
« Tu dis toujours ces trucs là à Darren ? »
"Oui !" s’empressa-t-elle de dire pour répondre à Max. Avant de soupirer et d’ajouter : "Mais il n’aime pas ça, il ne veut pas que je fasse ce genre de choses. Même si ça me démange".
« Tu m’étonnes ! De nous tous, c’est celui qui aime le plus l’armée. Alors parler comme ça, tu dois vachement lui casser les cou... »
Le regard de l’Amazone ne lui permit pas de finir sa phrase.
« Heu...bon. C’qu’on peut faire, c’est aller à la salle de contrôle, passer un appel à Jim pour savoir ce qu’il avait en tête. Lui c’est l’intello du groupe ! Il pourra peut-être t’aider à aller sur la planète. »
Il fit une grimace gênée.
« Enfin, faut vraiment t’calmer, là. Parce que sinon tu auras même pas fait un pas que Ridding te renverra sur Atlantis. Tu d’vrais te contrôler avant de passer l’appel. »
Lyanna se détourna à nouveau, et commença à faire les cent pas dans le gymnase.
"Me calmer ? Comment veux tu que je me calme ? Alors que Abelle est entre les mains de ce mâle. Et que Darren est quelque part, peut être qu’il est …"
La jeune femme ne termina pas sa phrase, elle ne voulait pas formuler cette idée à voix haute. Ne pas savoir si Darren allait bien était une torture. Mais Max avait raison. Si elle voulait avoir une chance d’aller à sa recherche, et aider Abelle, elle allait devoir se calmer. Même si c’était très dur pour elle de faire ça. La jeune femme finit par soupirer à nouveau en fermant les yeux. Il lui fallut quelques instants pour calmer cette colère, en respirant profondément. Teyla avait essayé de lui enseigner la méditation pour apaiser ses accès de colère, ça n’avait jamais fonctionné. Au bout d’un moment, Lyanna finit par poser les sabres de bambou, et elle retourna vers Max, adhérant à son plan. Elle n’en avait pas d’autre qui soit réalisable.
"Emmène moi à la salle de contrôle !"
Vingt minutes plus tard, la Porte des Étoiles s’activaient et l’opérateur responsable des flux audio et vidéo contacta le contingent de Ridding. Max se tenait aux côtés de Lyanna, plutôt étonné qu’il puisse être si près sans se ramasser une baffe. A sa demande, il adressait l’appel à Jim Hoffman, le membre le plus sage et âgé du D4. Celui qui avait envoyé Max et l’appareil photo.
Quand l’écran s’alluma enfin, les mêmes traits éprouvés par des combats et un maquillage de camouflage vieillissant modelèrent le visage de Jim. Il avait retiré son casque militaire, une barre de “propre” garnissant son front. Il s’ajusta brièvement les cheveux, là où ça faisait quelques épis, puis détailla le visage de l’Amazone d’un air satisfait.
« Bonjour Lyanna. » fit-il poliment.
Lyanna ne répondit pas, elle resta immobile, les bras croisés sur sa poitrine. Jim était peut être un mâle sage, mais c’était un mâle. Derrière lui, on trouvait le même environnement de bunker enterré. Quelques malles avaient été disposées ici et là. Des collègues s’appuyaient dessus pour manger une ration, somnoler ou discuter. Ils semblaient se reposer brièvement avant de repartir au combat.
« La fille sur la photo, c’est bien l’Héstevécienne qui vous servait ? »
"Oui, c’est Abelle. Qu’est ce qu’elle fait sur cette planète ? Est ce qu’elle va bien ?"
Jim acquiesça. Il avait vu juste.
« Bien, je ne pense pas. Mais elle est en sécurité ici, c’est déjà ça. »
Le soldat enchaîna.
« Les Rippeurs l’ont interpellé alors qu’elle tentait de passer la Porte avec une grande quantité de drogue. Un composé très violent qui a posé des problèmes à pas mal de populations. Elle refuse de parler depuis. »
Il marqua une pause.
« J’ai reconnu l’adresse qu’elle avait composé, j’étais là pendant son arrestation. C’est la planète où vous étiez piégé avec Darren. C’est ce qui m’a donné le doute. Vous connaissez la suite. »
« Ah ok, tu voulais être sûr avec les histoires de Darren... »
« Oui. Il nous avait bien parlé d’une brune qui vous avez servi pendant ce temps. La description avait l’air de correspondre... »
Au fur et à mesure des explications de Jim, le visage de Lyanna se décomposa. Abelle, une passeuse de drogue ? C’était impossible. La guerrière ne croyait pas du tout à cette histoire. Abelle n’était pas quelqu’un de mauvais. Elle secoua la tête et leva une main.
"Elle voulait passer la Porte avec de la drogue ? Non, c’est impossible. Je ne te crois pas !"
Imaginer qu’Abelle puisse tremper dans cette histoire était incroyable. Il devait y avoir une autre explication. Lyanna se souvint alors des dispositifs utilisés par l’ennemi pendant leur mission, qui avait fait croire que Darren était responsable d’actes atroces.
"Il … il doit y avoir une explication. Ce n’est pas Abelle, ce n’est pas possible. Cette personne doit utiliser l’un de ses appareils, cette chose qui prend l’apparence de quelqu’un. Ce n’est pas Abelle, elle ne ferait jamais un truc de ce genre !"
« Je ne sais pas trop de quoi vous parlez, Lyanna. Mais la procédure veut qu’un prisonnier sur un terrain extérieur soit changé. La dénommée “Abelle” a dû enfiler un uniforme neutre devant ses gardiennes. Tout équipement a été retiré à ce moment là. »
Pas d’appareil. Si elle en avait eu un, il aurait été trouvé. Lyanna secoua la tête et fit quelques pas dans la salle, ignorant quoi penser de cette histoire. C’était un cauchemar auquel elle n’avait pas de réponse. Puis, elle revint vers l’écran où se trouvait Jim.
"Et Darren ? Qu’est ce qui se passe ? Tu n’as plus aucun contact ?"
« Non, plus de contact. Mais nous avons repéré des affrontements imprévus sur une zone où il ne devrait pas y avoir des équipiers SG. On est encore en train de chercher ce qu’il se passe. Ne vous en faites pas, c’est un garçon solide ! »
Jim Holman tentait de l’apaiser. Ce qui n’était pas chose aisée, car Lyanna s’inquiétait beaucoup pour Darren.
Ils avaient fait la guerre ensemble, le D4, ils étaient sorti du Boc.
En tant qu’équipier, il espérait avoir du poids sur cette certitude. Car Jim était certain que son ami était en difficulté mais bien vivant. Il allait s’en sortir.
Le soldat devait néanmoins ramener l’Amazone sur le sujet principal.
« Ecoutez. Si c’est bien votre amie, elle aura besoin de votre aide. Plus que jamais. »
Il regarda par dessus son épaule puis révéla l’information qui allait mettre le feu aux poudres.
« Abelle refusant de parler, elle sera interrogé par Magda Rahim dans l’heure qui suit. Je pense que vous vous souvenez d’elle. »
En entendant cette nouvelle, le coeur de Lyanna s’emballa. La colère revenait à la charge. C’était cette sorcière qui allait interroger Abelle ? Comme elle l’avait fait avec la guerrière ? Jim leva la main pour l’empêcher de bondir de son siège et révéla son plan.
« Vous connaissez cette fille, ses forces, ses faiblesses. Vous pourriez vous proposer pour l’interroger à la place de Rahim. Au moins vous obtiendrez les réponses à vos questions tout en veillant à sa santé, vous me suivez ? »
Interroger Abelle elle même, au lieu de la laisser dans entre les griffes de Rahim, étant une bonne idée. Mais il y avait un problème de taille qui fit lever les yeux de Lyanna au ciel.
"Impossible, comment veux tu que je fasse ? Le mâle ne me laissera pas l’approcher sans ordonner à ses sbires de m’arrêter !"
« Je n’ai pas toutes les réponses, Lyanna. Je peux vous arranger un entretien avec le lieutenant, il est intéressé par les informations que détient Abelle. Pour le reste...pensez à Darren pour assouplir votre comportement. »
Il se leva, son entretien était fini.
« Je dois y aller, je prends un jumper sous peu. »
« T’es pas au repos ?!? »
« Si. J’en profite pour survoler en furtif la zone tampon. On part à la recherche de Darren et April. »
« Attends !!!! Je me ramène ! »
« Traîne pas. On se rejoint au port. »
Jim était en train de quitter l’écran. Il fit volte-face et se pencha.
« Ravi de vous avoir vu Lyanna, malgré les circonstances. Ne bougez pas, le lieut arrive. »
Max avait ramassé ses affaires, des capteurs de mouvements et des mines aux plâtres que Ridding avait demandé. Les bras chargés, il quitta Lyanna à la hâte et franchit la Porte sans demander son reste.
Voir Max partir, et savoir que Jim allait partir à la recherche de Darren serra le coeur de Lyanna. Elle avait bien envie de venir avec eux pour secourir le soldat. Mais d’un autre côté, Abelle avait besoin d’elle. Le choix était difficile à faire, et après avoir réfléchi, elle prit la décision délicate de laisser le reste du D4 s’occuper de Darren, pendant que de son côté, elle venait en aide à Abelle. Une fois que le jeune militaire disparu dans le vortex, la guerrière retourna face à l’écran, attendant Ridding avec beaucoup d’appréhension vu leur passif. Le conseil de Jim lui revint en tête. Penser à Darren pour calmer ses ardeurs agressives ? Plus difficile à dire qu’à faire.
La vue restait alors telle quelle, sur cette escouade qui se reposait en attendant de reprendre du service. Quelques minutes plus tard, un homme s’installa à califourchon sur la caisse pour être bien en face de la caméra.
« J’ai peu de temps. Il paraît que vous connaissez ma captive ? »
En voyant Ridding, Lyanna serra sa mâchoire, et elle croisa à nouveau les bras sur sa poitrine.
"Oui, je la connais. Elle est mon amie !"
Impatiente malgré elle, Lyanna secoua la tête avant de regarder Ridding dans les yeux.
"Je veux la voir !" lança-t-elle sur un ton précipité, ignorant que son comportement n’allait pas du tout convaincre le militaire de satisfaire sa demande express.
« Votre amie transportait suffisamment de poudre d’Ephémérade pour shooter un village de deux cents personnes sur plusieurs semaines. C’est ma plus grosse prise. » déclara-t-il sèchement. « Je ne gère pas un salon de thé. Vous la retrouverez quand cette affaire sera terminée. »
"Non, je veux la voir tout de suite !"
Lyanna se rendit compte que sa colère prenait le dessus, et que malheureusement, même si elle voulait frapper Ridding tout de suite, elle n’allait pas réussir à avoir son accord de cette façon. La jeune femme ferma les yeux quelques secondes, et tenta de se calmer un peu avant de lui adresser à nouveau la parole.
"Ecoute … ce n’est pas possible qu’elle ait fait ça, je la connais. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette histoire. Elle doit être manipulée par quelqu’un. Ou alors, elle a été menacée. Il doit y avoir une explication, et je dois lui parler pour connaître le fin mot de cette histoire !"
« Et puisque nous avons ce même but, vous vous proposeriez d’entrer à mon service sans me trahir ni agresser mon personnel combattant ? » supposa-t-il avec un sourcil levé.
"Tant que ton personnel combattant et toi, vous ne vous approchez pas d’elle !"
Lyanna se mordit la lèvre, cherchant de bons arguments. C’était difficile pour elle de faire une telle promesse. Ne s’en prendre à personne sur la base de fortune, aller à l’encontre de sa nature, vu que Darren n’était pas là pour l’aider à se calmer, c’était dur. Mais pour Abelle, la jeune femme devait trouver des solutions pour l’aider.
"Tu n’arriveras pas à la faire parler. Ta folle de tortionnaire n’y parviendra pas non plus, du moins sans la torturer. Et s’il y a quelque chose que les Atlantes ne font pas, c’est la torture, n’est ce pas ?"
Lyanna leva un peu le menton pour se donner de la prestance, affrontant Ridding du regard.
"Moi, elle me parlera !"
Le lieutenant secoua lentement la tête par dépit.
« Le soldat Clive aurait dû vous en apprendre plus sur l’argumentation entre Atlante. Vous me donnez tout sauf envie de vous faire confiance. Cela dit... »
Il réfléchissait en même temps.
« Vous marquez un point. Je préfère un interrogatoire en douceur qu’user de force. L’expérience m’a appris que les coupables sont rarement ceux qui prennent le risque du transport. »
Ridding la fixait également dans les yeux.
« Je veux un retour complet. Comment, où, pourquoi. Depuis combien de temps. Combien de personnes impliquées… ; si je m'aperçois que vous êtes juste venue distribuer des câlins, je vous fais retourner dans la cellule qui a été votre habitat d’une semaine. On fait comme ça ? »
Lyanna serra à nouveau la mâchoire sous les menaces de Ridding, et elle eut envie de répliquer quelque chose de cinglant. Mais elle se retint, pour le bien d’Abelle. Elle se contenta de hocher la tête, non sans rajouter un petit détail.
"Tiens tes mâles à distance. Et il n’y aura pas de problème de ma part !"
« Ils ne vous adresseront pas la parole si c’est votre message. La sécurité ne les fera pas changer de place. Alors, vous me donnez votre réponse ? »
Savoir que les hommes de la base ne chercheraient pas à la provoquer pour créer un conflit rassura un peu Lyanna. Quoiqu’il fallait s’attendre à tout avec eux. La guerrière réfléchit quelques secondes, puis elle soupira discrètement.
"C’est d’accord".
« Départ dans une heure. Je fais transiter votre autorisation à votre responsable référent. Le médecin de l’unité vous attendra en sortie de vortex pour vous faire un état de votre amie. »
Il avait dit l’essentiel. Sans attendre davantage, il se redressa et quitta le champ de vision de la caméra.
eden memories

Tout à un prix
Darren & Lyanna
Lyanna n’avait qu’une heure pour se préparer. Cela allait être rapide, elle avait déjà sa tenue habituelle. Il ne lui manquait plus que ses armes, et elle serait prête à partir. Elle avait même le temps de manger un petit quelque chose avant de partir. Elle ignorait combien de temps elle allait rester avec Abelle pour la sortir de là. Ceci dit, quelqu’un allait lui mettre des bâtons dans les roues sans quelle ne le sache encore. Sa responsable référente : Teyla.
La guerrière quitta la salle de contrôle, et fila d’abord au mess pour prendre de quoi grignoter. Sur place, elle mangea assez rapidement, et emporta même une barre chocolatée pour son escapade. Cela lui prit seulement 15 ou 20 minutes, elle était parfaitement dans les temps. Un détour par ses quartiers pour prendre ses fourreaux, puis à l’armurerie pour ses armes, elle est serait prête à partir. Sauf qu’en arrivant devant son petit chez elle, Teyla l’attendait, les bras croisés, l’air sérieux.
"Je viens de recevoir une autorisation à ton sujet pour partir en mission. Tu vas interroger quelqu’un ?"
"C’est vrai. La mission de Darren, ça s’est mal passé. Et Abelle est prisonnière là bas. Ils pensent qu’elle a fait quelque chose de mal, mais je ne veux pas le croire".
"Abelle ? Ah oui, tu m’en as parlé. L’Héstevécienne qui était ta servante, c’est ça ? Qu’est ce qui se passe ?"
"Ils disent qu’ils l’ont trouvé en train de transporter de la drogue pour retourner sur son monde. Mais ça ne lui ressemble pas. Je veux lui parler pour en savoir plus. Je connais leurs méthodes d’interrogatoire, je n’ai pas envie qu’elle subisse ça".
Teyla hocha la tête pour acquiescer, comprenant pour quelle raison Lyanna avait été désignée pour partir sur la planète afin d’interroger la captive.
"Je comprends. Et je ne m’opposerais pas à ton départ si tu me promets de rester calme, et de ne pas t’en prendre à tous les hommes que tu croiseras sans une bonne raison".
Lyanna soupira pour montrer son mécontement.
"Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi. Le mâle m’a déjà menacé de m’enfermer si je frappais les autres. J’ai du accepter même si ça me coûte de ne pas pouvoir le faire".
La guerrière ignorait comment la mission allait se passer, ni si elle parviendrait à calmer son tempérament bagarreur et sanguin. Mais elle devait essayer pour aider Abelle.
"Je n’ai plus beaucoup de temps. Il me faut mes fourreaux et mes armes, et je file à la Porte des Étoiles".
"Rassure moi, tu ne comptes pas y aller dans cette tenue ?"
"Si, pourquoi ?"
Evidemment, elle s’était attendue à cette réponse. Alors que l'Amazone passait sa main devant le capteur, Teyla la suivit à l’intérieur de ses quartiers, attendant que la porte de se referme.
"Ecoute moi ! Tu ne peux pas y aller comme ça. Pars avec la tenue d’exploration Atlante. On t’a déjà dit que tu ne pourrais plus partir en mission si tu n’enfilais pas ces vêtements".
Et voilà, Teyla voulait qu’elle mette un pantalon. Mais qu’est ce qu’ils avaient tous avec ce maudit pantalon ? Lyanna n’aimait pas ça, et tout le monde le savait.
"Je vais juste aider Abelle, pourquoi est ce que je devrais mettre cette tenue que je déteste ?"
"Parce que ..."
Teyla s’interrompit quelques instants, cherchant des mots convaincants.
"Déjà, toute personne qui quitte cette base porte la même tenue qui l’identifie à Atlantis. Cette règle s’applique à tout le monde, voilà pourquoi tu dois aussi la mettre, quelque soit la mission. Crois moi, je suis passée par là aussi. Et quand je pars en mission, j’adopte leurs coutumes".
Voyant que Lyanna allait dire quelque chose pour la contredire, elle leva la main pour l'interrompre, avant de poursuivre.
"Puis, la tenue Atlante te protègera beaucoup mieux que ta propre tenue. Tu en as déjà fait l’expérience. Sur les autres mondes, ils utilisent beaucoup d’armes à distance, et souvent mortelles au premier impact. Ta propre tenue n’est pas faite pour ça, le corps à corps est rare. Sans parler des conditions climatiques que tu peux rencontrer. Tu protégeras plus facilement ton corps avec la tenue Atlante".
"Darren m’en a déjà parlé, mais ..."
Teyla ne la laissa pas continuer.
"Et enfin … si tu veux que les hommes ne t’approchent pas, et si tu veux éviter l’affrontement pour ne pas avoir d’ennuis, mets quelque chose de moins provocateur pour eux. Les hommes sont tous les mêmes, ils adorent regarder une femme en jupe et débardeur. Avec la tenue Atlante, tu seras tranquille de ce côté là, tu les tenteras moins" lança-t-elle avec un sourire, sachant que ce dernier argument capterait son intérêt.
Ca aussi, Darren en avait parlé à Lyanna. A croire que Teyla et lui avaient accordé leur violons pour la forcer à porter les vêtements de mâle Atlante. La guerrière voulut répliquer, mais devant le regard de Teyla, elle finit par abdiquer à contre coeur, en soupirant.
"D’accord, d’accord, je vais la mettre, ta tenue. T’es contente ?"
Le sourire de Teyla s’agrandit, et elle acquiesça d’un hochement de tête.
"Très. Tu verras, tu finiras par t’y habituer. Je te laisse te préparer, mais n’oublie pas : garde le contrôle de toi même une fois là bas. C’est dans l’intérêt de ton amie".
Teyla souhaita bon courage à Lyanna en lui demandant de faire attention, avant de quitter ses quartiers, la laissant ainsi seule. L’Athosienne avait vraiment le même pouvoir de persuasion que Darren. Bien qu’elle ne le voulait pas du tout, Lyanna se déshabilla et enfila la tenue Atlante, se sentant toujours extrêmement mal à l’aise dans le pantalon. Elle attacha ses cheveux, et prit ses fourreaux. Puis, elle sortit et passa à l'armurerie pour mettre son gilet MOLLE et ses épées qu’elle glissa dans son dos. Elle mit également son couteau à la ceinture, et s’assura que la pochette contenant son nécessaire pour affûter ses armes, cadeau de Darren était là aussi. Cette pochette ne la quittait plus lorsqu’elle portait ses épées. La guerrière prit également son matériel, comme la radio ou le détecteur de vie, au cas où, même si elle pensait que ça serait inutile. Elle mit même les lentilles, indispensable pour partir en mission. Et enfin, elle glissa la barre chocolatée dans une poche du gilet tactique.
Alors que l’heure était presque écoulée, Lyanna se dirigea vers la salle d’embarquement. Elle était prête, persuadée de ne pas avoir besoin de tout ce qu’elle avait sur elle, mais bon. C’était ce que les Atlantes prenaient et portaient pour partir en mission, alors elle devait faire pareil, même si ça l’embêtait. Une fois devant la Porte des Étoiles, elle attendit que cette dernière s’ouvre, une fois l’autorisation donnée pour son départ. Puis, sans attendre, ayant hâte de retrouver Abelle, la guerrière s’avança et traversa le vortex.
L’air était plus étouffant une fois sorti de l’environnement contrôlé de la cité.
Lyanna déboucha sur une grande route pavée, mal entretenue, obstrué par un très grands nombres de chariots de marchands. Un cordon de militaire Atlante contrôlait toute les allées et venue. Ils faisaient un sacré travail, plutôt efficace, même s’ils semblaient être noyés dans la populace qui s’était agglutinée sur leur dispositif.
N’ayant visiblement pas l’habitude que l’accès à la Porte soit si surveillé, le trafic s’était très fortement ralenti. Un bouchon monstrueux d’humains et de convois s’alignaient tout au long de la route jusqu’à cette ville, là-bas, dont les colonnes de fumées noires révélaient l’état de guerre.
La foule qui se pressait donc contre le cordon n’était pas uniquement faite de marchands mais également de réfugiés cherchant à partir au plus vite. Lyanna venait de passer d’une salle d’embarquement tranquille à un raz de marée vivant. Partout où son regard se portait, elle était témoin de nombreuses scènes de catastrophe. De la peur dans le regard de ces gens, des appels à l’aide.
Quelques rares chariots déjà contrôlés dépassèrent l’Amazone pour faire poliment la queue. Ils se rangeaient d’un côté et de l’autre pour que l’horizon des événements n’engloutissent pas leur animaux de traits et la moitié de la cargaison. Elle qui n’aimait pas la proximité immédiate d’hommes se trouvait littéralement envahie. Si bien qu’en la dépassant, certains lui mettaient des coups d’épaules ou s’excusaient brièvement en se glissant contre elle.
Un peu plus loin, au niveau du cordon, les militaires tenaient en respect les plus agités. Ceux qui avaient l’idée de passer de force le poste contrôle se faisaient tirer dessus par une arme neutralisante. Il y avait même un jumper en suspension au-dessus de la Porte. Elle ne le découvrit qu’en entendant un homme répéter inlassablement son message dans le porte-voix.
« N’ayez pas peur ! Laissez-vous fouiller. Nous agissons pour votre sécurité. Passage à la Porte toutes les cinq minutes. N’ayez pas peur, laissez vous fouiller, nous agissons... »
Cet homme leur parlait depuis la nacelle arrière du jumper. Son pont était resté ouvert et le vaisseau faisait un surplace en leur montrant le dos. Le crieur était donc en face de cette foule dont certains levaient une main suppliante dans sa direction. Il était accompagné d’un tireur de précision qui assistait parfois les collègues en contrebas. Quand il repérait des passeurs faisant soudainement volte-face, il les désignait et une équipe venait les intercepter.
Dans tout ce boucan et ce brouhaha, Lyanna mit un moment à se rendre compte que quelqu’un l’appelait. A l’écart sur le côté, après les chariots, il fallait enjamber un muret de pierre et dépasser les caravaniers qui mangeaient ou dormaient en l’attente de leur tour. Elle portait une tenue Atlante et, même d’ici, elle pouvait voir la croix rouge sertir son épaule. Un médecin, c’était ce que le lieutenant lui avait dit.
« Lyanna ! Par ici !!! » l’appelait la femme.
En la voyant, Lyanna se dirigea aussitôt vers elle, trop impatiente de mettre de la distance avec cette foule de mâles qui l’énervait déjà avec leur contact trop rapproché à son goût, même si ce n’était pas volontaire de leur part. Le médecin attendit d’être rejointe, la main gauche en permanence posée sur la crosse d’un neutraliseur Wraith. A l’approche, elle lui offrit un sourire faible, signe d’un bienvenue avec réserve et professionnalisme.
« Je m’appelle Helen. Je suis le médecin du groupe combat. Je veille aussi sur la santé des prisonniers. » fit-elle en lui tendant la main. « Le lieutenant m’a informé de votre arrivée, vous me suivez ? »
Lyanna acquiesça d’un hochement de tête, et en regardant la main tendue, elle se souvint que ce geste était typiquement Atlante. Et qu’elle acceptait de le faire qu’avec des femmes. Elle prit donc la main d’Helen et la serra doucement de haut en bas, avant de commencer à lui emboîter le pas. Au même moment, plusieurs tirs s’enchainèrent, se mêlant à une hystérie généralisée. Plusieurs mouvements de foules bousculèrent de pauvres réfugiés qui basculèrent par dessus les murets de la route de chaque côté. A force de se presser, le flux débordait.
« Ce n’est qu’un début. La surveillance signale une fuite désorganisée des civils à vingt kilomètres. Quand ils seront là, la zone deviendra infréquentable. On sait que des trafiquants se sont mêlés dans le lot. »
"Ca va être pire que ça ? On ne pourra pas revenir sur Atlantis ?"
« Oh ! Là, c’est plutôt calme. C’est l’heure du repas sur cette planète. Ca sera bientot noir de monde. »
Helen la guida tout en continuant de répondre à ses questions.
« La Porte est sous notre contrôle donc on s’en sert quand on veut. Mais les transports d’urgence pour les blessés sont prioritaires. »
Elle lui sourit.
« Si vous voulez fuir la chaleur étouffante de cette planète, il faudra attendre votre tour. »
"Je suis habituée à la chaleur, ça ne me dérange pas. Je crains plus le froid".
Helen la prit légèrement par le bras pour lui montrer une zone plus tranquille. Ce qui fit du bien à Lyanna d’être enfin loin de toute cette cohue. Un dépôt routier désaffecté se trouvait non loin, renforcé par des sacs de sable et des barbelés. Quelques structures modulaires installées stratégiquement supportaient quelques fantassins et mitrailleurs qui surveillaient la zone. C’était la base d’opération de Ridding pour son coup de filet de grande envergure.
« Si vous avez des questions sur cette planète, ce qu’on y fait, commencez à les poser. Nous avons le temps du chemin pour ça. »
Lyanna se retourna brièvement pour voir la foule paniquée qui continuait de se diriger vers la Porte des Étoiles. Les soldats s’étaient réorganisés, parvenant à retenir in extrémis le flux avant que celui-ci ne s’empale mortellement sur une nouvelle activation extérieure.
La matérialisation de l’horizon mit tout le monde d’accord lorsqu’ils se rendirent compte du massacre que ça aurait pu être. La peur les rendait suicidaires.
"Qu’est ce qui se passe ici ? On m’a parlé d’une mission au sujet d’une prise de drogue, ou je ne sais quoi. Mais ça ..." dit elle en désignant les marchands et les réfugiés apeurés, avant de poursuivre : "On dirait qu’il y a une guerre. Ces gens fuient quelque chose, non ?"
« Comme vous dites, Lyanna. Ils fuient la guerre. Leur ville est devenue un foutu champs de bataille. »
Lyanna fronça les sourcils, elle ne comprenait pas vraiment le lien entre de la drogue et une guerre. Elle ne savait pas vraiment ce qu’était de la drogue, d’ailleurs. Elle en avait vaguement entendu parler sur Atlantis comme quelque chose de consommable et de très addictif, qui pouvait être dangereux pour la santé. Mais pour elle, c’était comme les cigarettes que Darren fumait. La jeune femme était loin de se douter qu’il y avait des drogues bien pire que le tabac qui était déjà suffisamment nocif de son point de vue. Helen atteignit l’entrée de la base. Deux soldats, dont un tenant des chiens agressifs, contrôla la carte d'identité du médecin. Elle en tendit une deuxième qui semblait appartenir à Lyanna vu qu’il y avait son visage dessus.
« Votre accès. » dit-elle en lui fournissant cette fameuse carte après le contrôle des gardes.
Lyanna prit la carte que Helen lui tendait, et l’inspecta sous toutes les coutures. C’était la première fois qu’elle possédait une carte d’accès à elle, il y avait sa photo dessus, celle que Darren avait lors de leur première mission, provenant de la base de données des Atlantes. Elle arriva même à lire son nom écrit sous la photo. La guerrière la glissa dans une poche, et suivit le médecin. Cette dernière s’engagea alors vers le bâtiment.
« Ce peuple a été victime de son succès. Leur monde est très bien placé pour les échanges commerciaux. Ils ont eu une vie très lucrative, florissante. Puis des étrangers sont venus s’installer chez eux. D’une nouvelle sorte, ceux là. Et pas de la bonne catégorie. »
"Des étrangers ? En quoi ils étaient … dans une “mauvaise” catégorie ? C’était des bandits ?"
« En plus vicieux. Des parasites, des corrupteurs. Ils font bonnes figures, s’adaptent, puis pourrissent le système. »
Le médecin ouvrit la porte et s’engagea dans un hall abandonné. Il était terne, sentait la poussière et le renfermé malgré ses fenêtres grandes ouvertes. Manifestement, l’endroit avait servi à garer les chariots de commerce pendant que leur équipage se restaurait, dormait, où déclarait le fret à vendre. En étant excentré et devenu inutile, il avait tout simplement été fermé avant que le lieutenant Ridding ne lui trouve une nouvelle utilité. Lyanna regarda autour d’elle, cette mauvaise odeur était très désagréable et très prenante, même si elle avait connu bien pire que ça. Elle ne s’attarda pas à la contemplation, et continua de suivre la jeune femme pour ne pas la perdre de vue.
Helen prit la tête. Elle s’enfonça dans le grand hall où l’on avait rangé plusieurs malles. Un endroit plutôt bien surveillé et propre servait de centre de commandement. Un opérateur de drone, par exemple, procédait à la surveillance d’une zone de combat. Des Atlantes investissaient un bâtiment à plusieurs étages tandis qu’on leur tirait dessus depuis le toit.
« Ils n’étaient que quelques uns au début. Dix ans plus tard, ils pullulent dans tous les coins. Ils ont infiltré les différentes couches du pouvoir, ont corrompu les défenseurs de loi, et ils se sont tout simplement emparés de la ville. »
"Pourquoi les habitants de ce monde ne les ont pas arrêté avant qu’il ne soit trop tard ? Ils n’ont pas remarqué qu’ils étaient mauvais ?"
« Parce qu’ils ont acheté les puissants, terrorisé les plus faibles. Tout le monde ne vient pas forcément d’une planète de guerriers. »
La guerrière acquiesça en silence, réfléchissant aux explications que le médecin venait de lui donner. Il était vrai que, si les habitants n’avaient pas l’habitude de se méfier, de voir ce qui était de la fourberie, ou même de se battre, c’était difficile de se sortir de cette situation. Helen contourna une mini-armurerie. Des malles, des fusils posés les uns contre les autres. Certains rechargeaient des chargeurs vides, assis devant une très vieille table. Plusieurs soldats étaient en train de s’équiper de grenades de désencerclement et d’autres de munitions bien plus létales. Quelques uns fixèrent brièvement Lyanna mais ne firent rien de plus. Soit l’ordre de Ridding était passé, soit ils avaient bien plus urgent à faire.
Lyanna pourrait néanmoins se sentir moins “visible”. Plus discrète depuis qu’elle portait l’uniforme d’exploration. Ce fut une bonne chose pour elle. La guerrière ne leur accorda qu’un rapide regard noir, mais rapidement, elle détourna les yeux pour continuer sa route. Au moins, les mâles la laissaient tranquille.
« Petit à petit, ils ont affamé la population. Racket, violences, rançons, contrebande. Ils se sont lancés dans toutes les saloperies qui existent, jusqu’à trouver la plus lucrative. »
Là, elle pointa d’un coup de menton la prochaine série de tables poussiéreuse. Il s’y trouvait de grands paquets enroulés dans de la toile de jute, scellé par de la corde. Un scientifique, le seul à être vêtu d’une blouse blanche et protégé d’un masque, effectuait des analyses sur une poudre bleu, brillante comme les étoiles. Lyanna s’arrêta quelques instants, et fixa les fameux paquet. Comment cette poudre bleue pouvait-elle être dangereuse ? Cela l’intriguait beaucoup, et Helen dut se rendre compte que la Kiranienne ignorait ce que c’était.
« L’éphémérade. Un stupéfiant qui déclenche une dépendance immédiate. Celui qui en consomme se prend tout simplement pour un Dieu. C’est extrêmement néfaste pour le corps humain. Et bien entendu, nos ennemis s’en foutent royalement. »
Lyanna secoua la tête, sans comprendre. Elle reporta son attention sur Helen.
"Mais, si c’est si néfaste pour le corps humain, pourquoi ces gens en consomment ? Il leur suffit d’arrêter non ? Pourquoi est ce qu’ils ne le font pas ?" demanda-t-elle en toute innocence, ignorant à quel point les drogues étaient si addictives.
« Ce n’est pas si simple. L’organisme lui-même se met à en demander. Des mécanismes se déclenchent, qui rendent le sujet malade tant qu’il n’en a pas repris. »
Helen marqua une pause avant de la fixer, cherchant une comparaison.
« Imaginez quelque chose dont avez du mal à vous passer. Et dites-vous que ne plus le faire, même si vous savez que c’est destructeur, vous rendra très malade. Physiquement ET mentalement. Tout vous amène à y replonger ! »
La guerrière essayait de comprendre les paroles du médecin, et lorsque cette dernière lui demanda d’imaginer quelque chose dont elle avait du mal à se passer, Lyanna eut une idée qui lui vint aussitôt en tête. Au sexe avec Darren ? Non, bien sûr que non. Il y avait autre chose qui comptait pour la jeune femme. Bien qu’elle se demandait si c’était aussi néfaste que cette drogue.
"Je … j’adore le chocolat. C’est vraiment très bon, et j’ai du mal à ne pas en manger. Est ce que c’est la même chose ? C’est une drogue ?" lança-t-elle, montrant ainsi son ignorance sur beaucoup de choses venant de la Terre.
« A haute dose, on pourrait le voir comme ça, oui. Sauf que le chocolat n’entame pas sérieusement la santé et n’altère pas votre conscience. Je préférerai largement avoir à traiter des maladies liées au sucre plutôt que cette saloperie. »
Lyanna fut soulagée d’apprendre qu’abuser du chocolat ne serait pas aussi dangereux que cette drogue. Tant qu’elle faisait du sport, elle pourrait continuer à en manger comme elle voulait. Les deux femmes reprirent leur chemin, jusqu’à ce que Helen ouvre l’une des grandes portes à la fin du hall pour lui dévoiler un escalier en colimaçon. Il descendait dans les sous-sol. Plusieurs lampes avaient été collées à la paroi et reliées à un réseau électrique de fortune.
« Pourquoi tout ça ? » anticipa-t-elle. « Ces petits bâtards usaient de toutes les techniques pour essayer de nous échapper, atteindre des mondes surveillés par nos gars. Ils ont massacré des centaines d’innocents. Des milliers même. Un exemple ? »
Elle entra dans le sous-sol. Le centre administratif de campagne s’y trouvait avec les différents policiers militaires. Plusieurs tables et chaises de camp avaient été alignées. On y interrogeait des civils, des captifs et des témoins. C’était l’endroit le plus souple, la sécurité y était légère, gardée par quelques soldats armés de neutraliseurs. Un espace un peu plus reculé servait de lieu de repos pour les soldats. Lyanna y découvrirait rapidement le dispositif de communication depuis lequel elle avait discuté avec Jim. Helen passa dans un couloir et s’enfonça un peu plus. Sans s’arrêter, ni même prêter attention, ils longèrent une série de dix truands captifs. Gardés par les militaires, ils avaient les mains sur la tête et le front posé contre le mur comme s’ils étaient “au coin”. Visiblement, ils étaient en attente d’interrogatoire.
La preuve en était de cette porte de salle qui s’ouvrit. On y sortait un criminel par la force, deux hommes le tenant solidement, et qu’on menait vers une cellule beaucoup plus sombre. Magda Rahim en émergea, découvrant la présence de Lyanna d’un regard sombre. Elle la toisa longuement, lui montrant bien qu’elle n’avait pas du tout aimé être dépossédée d’Abelle. Lyanna lui répondit également d’un simple regard noir, elle n’avait pas oublié les séances d’interrogatoire qu’elle avait subi avec ce monstre. La tension était palpable dans l’air. Puis, Magda désigna un des hommes dans la file qu’un garde lui amena sans ménagement. Lyanna se désintéressa d’elle lorsque la folle disparut de son champ de vision, et reporta son attention sur Helen. Une part d’elle fut soulagée de ne pas avoir vu Abelle à la place de ces prisonniers, mais elle avait hâte de la voir et de prendre de ses nouvelles.
« Y’a une semaine, ils ont voulu faire passer un de ces gros paquets que vous avez vu là-haut dans un de nos mondes protégés. Ils l’ont foutu dans le cul d’une vache, laquelle a digéré le paquet. La drogue s’est déversée, elle est tombée raide morte. »
"Dans une vache ? Sérieux ?" lança Lyanna, outrée. Elle eut d’ailleurs une grimace dégoûtée. "Quelle horreur !"
Helen avait atteint un endroit plus lumineux du camp. Plusieurs câbles y serpentaient. En ouvrant la porte, elle exposait l’infirmerie de fortune dans laquelle plusieurs soldats étaient soignés pour des blessures légères. Quelques témoins et civils blessés bénéficiaient également de même attentions.
« Et un petit rigolo s’est emparé du cadavre pour le vendre. »
Helen amena l’Amazone jusque dans son bureau. Il était à l’écart, très spartiate, avec un ordinateur portable branché sur batterie et une petite pile de papier qui attendait son retour. On y trouvait notamment des radios et des résultats d’examens. Sur le mur derrière elle, on y avait collé à l’arrache une plaque lumineuse pour contrôler les radios.
La jeune femme proposa aimablement un siège en face du bureau tandis qu’elle finissait son récit, fouinant dans les différents dossiers. Lyanna s’assit, en regardant autour d’elle pour détailler les lieux, avant de reporter son attention sur le médecin lorsque celle ci reprit la parole.
« La drogue s’est intégrée aux chairs. Donc le boucher n’y a vu que du feu. Il a vendu les quartiers de viande qui sont allés en direction d’un orphelinat qu’on protégeait. Une centaine d’enfants innocents ont trouvé la mort, la gueule dans l’assiette, en trois minutes chrono. »
"Je croyais que les gens qui consomment cette drogue se prenaient pour des dieux. Ils ne sont donc pas morts, non ? Alors, comment ça se fait que ce truc … l’éphé-je-ne-plus-quoi a tué des enfants en quelques minutes ?"
« Déjà parce qu'on ne prend pas l’Ephémérade en mangeant. C’est une poudre qui se mets sous la langue ou qui s’inspire. Et les enfants ne sont pas aussi résistants qu’un adulte. La dose très concentrée de drogue dans ces viandes les ont tué rapidement. »
Les déclarations du médecin faisaient froids dans le dos. Ceux qui menaient la barque sur cette planète avait vraiment trouvé une saloperie dangereuse au détriment des gens, pour leur propre enrichissement. C’était des monstres. Dans quoi Abelle s’était elle fourrée ? Helen s’installa alors, tapotant un dossier qu’elle avait en main. L’inscription “Inconnue 31” s’y lisait facilement.
« Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Il nous a fallu un moment pour trouver la base de cette bande de rats. Maintenant c’est l’heure de régler les comptes. Vous comprenez ? »
Lyanna regarda la pile de dossiers posée sur le bureau d’Helen. Si elle comprenait ? Oh que oui. Visiblement, des individus sans scrupules fournissaient une saloperie à des gens innocents, sans se soucier des morts qu’ils provoquaient. Une seule chose à faire selon son point de vue : les exterminer. Bon, elle se doutait que les Atlantes voudraient les capturer vivants pour les emprisonner. Ils avaient tort, comme d’habitude. Ce genre de personnes, il n’y avait que la mort dans la souffrance qu’ils méritaient. Cependant, la guerrière savait que personne n’adopterait son point de vue. Inutile d’aller voir Ridding pour lui accorder le droit de faire le ménage, il refuserait d’office, connaissant ses “méthodes”. Cependant, Ridding n’était pas là, elle pouvait donc parler librement non ?
"Je comprends. Si ça ne tenait qu’à moi, je les exécuterais après les avoir torturé. Ils ne méritent que la mort, non ? Après tout ce qu’ils ont fait, ça ne serait que justice".
« Je suis d’un autre avis. » répondit-elle mystérieusement.
"Ca, je m’en doutais. Les Atlantes ont toujours un autre point de vue sur la justice !" dit elle sur un ton las, démontrant que ce n’était pas la première fois qu’elle n’avait pas les mêmes opinions que les Terriens. En plus, Helen était médecin. Eux, c’était les pires en ce qui concernait de protéger toute vie.
Si elle avait su qui elle avait en face d’elle, Lyanna aurait sans doute gardé ses envies de tortures et de meurtres pour elle. Son regard glissa sur le gilet tactique que le médecin portait, le même qu’elle avait. Sauf que sur le sien, il y avait quelque chose d’écrit. Ridding. Ce qui fit froncer les sourcils, alors qu’elle levait les yeux pour regarder Helen, très surprise de voir ce nom là.
"Ridding ? Heu … tu as le même nom que le mâle. Comment ça se fait ?"
Le médecin avait le sourire qui s’agrandissait à mesure qu’elle découvrait le pot aux roses. Helen connaissait très bien l’animosité entre son homme et l’Amazone. Maintenant, elle était impatiente de connaître sa réaction.
« Ce “mâle”, comme vous dites, est mon mari. » déclara-t-elle en la fixant. Elle précisa, un peu à la volée, pour faire de l’humour : « Enfin...j’aurai tendance à dire que je ne suis que sa deuxième femme. Etant donné qu’il est davantage lié à son travail qu’à moi. »
Autant dire que Lyanna fut choquée par cet aveu. Elle dévisagea longuement Helen, comme si elle attendait désespérément que celle ci lui dise qu’elle plaisantait. Mais non, le regard du médecin était toujours sérieux, même si elle tenta d’être drôle sur la fin en prétextant que le Lieutenant était surtout marié à sa carrière de militaire.
"Heu … quoi ? Sérieux ?"
Lyanna n’arrivait toujours pas à le croire. Darren et d’autres Atlantes lui avaient expliqué ce qu’était le concept de mariage sur Terre, et la prise du nom de famille de l’homme par sa femme, d’une manière générale. Mais jusqu’ici, la guerrière n’avait jamais rencontré ce genre de “couple”. Alors, savoir que Ridding était marié à une femme, et en plus, à celle qui était assise face à elle, était déstabilisant pour elle.
"C’est … c’est ton époux ? Lui … et toi ? Et tu portes son nom ? Mais … pourquoi ?"
La guerrière enchaîna les questions avant même d’avoir des réponses, montrant ainsi à quel point elle était perturbée par cette bien étrange nouvelle.
« L’amour n’a pas de raison, c’est comme ça. On s’est plu, on s’est marié. » expliqua le médecin.
Les questions soudaines de Lyanna lui avait déclenché une réaction instinctive. Elle se mit à jouer avec l’alliance qu’elle avait à l’annulaire. Toujours assise devant l’Amazone, Helen fronça un peu les sourcils puis ajouta en souriant :
« Avoir le même nom que mon mari ne veut pas dire que vous aurez les mêmes problèmes avec moi. Si c’est ce qui vous perturbe... »
Helen avait beau essayé de la tranquilliser en disant qu’elle n’aurait pas les mêmes problèmes qu’avec le militaire, cela ne calma pas les craintes de Lyanna qui voyait en le médecin une sorte d’espionne pour Ridding. Pourquoi avait-il fallu que son interlocutrice sur cette planète soit l’épouse du soldat ? Vraiment étrange comme hasard. La guerrière se doutait qu’à partir de maintenant, elle devrait faire attention à ses paroles. Notamment, si elle en venait à parler du mâle. Le regard de Lyanna descendit jusqu’à un objet avec lequel Helen jouait distraitement. Un anneau à son doigt. Elle ignorait que cette bague était en réalité une alliance.
"C’est rare de voir des Atlantes porter des bagues. En général, ils n’ont pas le droit d’avoir ce genre de bijoux".
« Je la garde avec moi quand je ne suis pas impliquée sur le terrain. » reconnut Helen. « Vous ne savez pas ce qu’est une alliance ? »
Lyanna secoua la tête en signe de négation. Ridding dévisagea la jeune femme et compris que ce concept lui échappait totalement. Bien qu’elles avaient toutes les deux pas mal de travail sur la planche, cette discussion offrait une distraction salutaire. Et si l’échange permettait également de détendre l’Amazone maintenant qu’elle connaissait son lien avec le lieutenant, alors pourquoi pas ?
« C’est un symbole d’appartenance. Je suis à lui, il est à moi. Ceux qui voient mon alliance et qui voient la sienne savent que nous ne sommes pas disponibles. La religion peut s’en mêler aussi. Mais dans le fond, c’est histoire de concrétiser un lien d’amour... »
Elle sourit un peu, prenant l’intonation d’un homme de foi.
« Jusqu’à ce que la mort nous sépare... »
Elle regarda son anneau.
« C’est généralement à l’homme de faire la demande. Moi je n’ai pas eu la patience, je l’ai fais moi-même au retour d’une mission. Mon mari a accepté sur le champs. »
Lyanna écouta le récit d’Helen, elle était intriguée de savoir que c’était le médecin qui avait “fait sa demande” au soldat. Cette histoire d’alliance lui fit se poser des questions concernant sa propre relation avec Darren.
"Et .. ça veut dire que … quand on tient à un mâle, on doit lui donner ça ?"
« Tenir à un mâle... » répéta Helen en se demandant comment elle pouvait décrire ça comme ça. C’était, de son point de vue, sacrément péjoratif. « Pour faire simple. Quand on est prêt à passer sa vie avec son conjoint, et qu’on voudrait se marier avec lui, c’est à ce moment qu’on fait sa demande. La femme reçoit une bague à ce moment-là, c’est ce qu’on appelle les fiançailles... »
Elle marqua une pause.
« Le couple prépare les festivités pendant un certain temps. Généralement, c’est un an, le temps de voir si ça marche toujours. Et puis...c’est le mariage. Ce jour là, on reçoit chacun notre alliance. En or pour le mari, en argent pour sa femme. »
Helen se laissa gagner par un air entendu, elle lui souriait, certaine de taper dans le mille. Ca faisait un moment que l’Amazone la tutoyait en se moquant du code. Alors elle se donna la même liberté pour lui demander, avec un regard chargé de malice.
« Tu t’intéresses à ton militaire ? »
Forcément, la question d’Helen perturba encore plus Lyanna qui la fixa du regard. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit pendant quelques secondes. Le médecin l’avait vraiment mis mal à l’aise. La guerrière secoua la tête.
"Hein … non … non … enfin si … mais … non … pas comme ça … je veux dire ..."
Lyanna se perdit dans ses explications, et pour couronner le tout, elle se mit même à rougir en pensant à Darren. Après s’être mordillée la lèvre, la guerrière tenta de se reprendre.
"Je … je n’ai pas posé ces questions à cause de lui … j’étais juste … curieuse … c’est tout !"
« Tant mieux. Parce qu’un homme, c’est dur à marier. » rétorqua Helen sans quitter ce sourire malicieux.
eden memories

Tout à un prix
Darren & Lyanna
Bien sûr que oui, Lyanna tenait énormément à Darren. Elle était bien avec lui. Mais cela voulait-il dire qu’elle l’épouserait un jour, comme les Atlantes ? Pour l’instant, la jeune femme préférait ne pas y penser, ça allait trop vite. Lyanna Clive … non, trop rapide pour elle. Pourtant, une part d’elle voulait rester auprès de Darren, et c’était la définition que venait de décrire Helen. Déstabilisée par cette allusion, Lyanna finit par secouer la tête, cherchant un autre sujet de conversation en se raclant la gorge, les joues encore rosies par cette gêne qu’elle avait ressenti.
"Et … Abelle ? Où est elle ?"
« Abelle. » répéta le médecin en s’emparant d’un marqueur.
Elle raya aussitôt la mention “inconnu 31” sur le dossier pour y apposer la bonne identité de la prisonnière. Helen fit une petite moue, du genre qu’elle ne saurait pas quoi en dire, puis lui avoua sur un ton personnel.
« Un sacré numéro ta copine. »
Le médecin ouvrit le dossier, allant sur une page manuscrite qui relatait les différents points de sa santé.
« Elle est sous nos pieds, enfermée à double tour dans la cellule la plus résistante, solidement gardée par les copains. Quand on l’a gaulé, elle transportait soixante-treize kilos de poudre. Alors qu’elle, elle n’en fait...que soixante-deux. »
Helen échangea un regard en coin.
« Les Rippeurs ont indiqué dans leur rapport qu’il leur a fallu trois tirs de neutralisant pour l’arrêter. J’ai donc fait une analyse toxicologique et... »
Elle fît glisser la feuille sous le nez de Lyanna. Il s’agissait d’un graphique avec divers composés dans son sang. La jauge comportant la mention “Ephem.” dépassait très largement les autres niveaux. C’en était même inquiétant puisque le résultat dépassait quasiment la feuille, mordant sur le titre et la mise en page.
« Elle est tellement droguée que je ne sais pas si le sevrage est encore possible. Je suis contrainte de lui fournir des doses régulières pour maintenir son organisme en bonne santé. Une privation trop brusque pourrait la tuer. »
Lyanna n’en revenait pas de ce qu’elle apprenait sur Abelle. Un regard au graphique démontrait clairement qu’Abelle avait une énorme quantité de drogue dans son organisme. Helen craignait qu’elle n’arrive pas à la sevrer, et la guerrière secoua la tête, n’aimant pas être impuissante face à cette situation.
"Elle portait 73 kilos de drogue ? Comment c’est possible ? Je ne l’ai jamais vu porter quelque chose de lourd !"
« C’est l’un des effets de l’Ephémérade. La désinhibition. »
Helen se redressa sur sa chaise pour lui expliquer.
« Vous portez un poids trop lourd pour vous, que se passe-t-il ? Vos muscles se tendent, ils tremblent, vous risquez et pouvez vous faire mal. Tout contribue à un échec automatique. Mais avec cette drogue, il n’y a que le sentiment de pleine puissance. »
Elle donna un coup de menton vers le graphique.
« C’est en ça que ce poison est destructeur. Ce n’est qu’une impression, une illusion. Sans ces protections du corps humain, on s'abîme, on se tue. J’ai traité des lésions sur son dos et ses épaules, des blessures qu’elle n’a pas senti et dont elle n’a pas conscience. »
Lyanna était perdue dans tout ce qu’elle apprenait sur Abelle, et elle était très affectée de savoir que la jeune femme ne s’en sortirait peut être pas.
"C’est impossible, ça ne peut pas être vrai. Abelle n’a pas pu faire ça volontairement. Elle n’a pas pu se droguer au point de se tuer, ni emmener d’elle même autant de cette chose sur sa planète. Quelque chose cloche. Je me refuse à croire qu’elle a fait tout ça d’elle même, ça ne lui ressemble pas du tout".
La guerrière était persuadée de l’innocence d’Abelle, ou du moins que quelqu’un d’autre était derrière tout ça. Mais elle était visiblement la seule. Toutes les preuves étaient contre la jeune femme.
"Je dois la voir. Je dois lui parler".
« Reprends-toi, Lyanna. » imposa Helen d’une voix professionnelle. « Parce qu’on ne fait que survoler le problème. J’ai encore un tas d’autres mauvaises nouvelles à t’apprendre. Il vaudrait mieux que tu sois moins...émotive. »
Lyanna leva les yeux au plafond, avant de les fermer en soupirant. Des mauvaises nouvelles, toujours plus de mauvaises nouvelles. La jeune femme avait un mauvais pressentiment. Il fallut plusieurs minutes pour que la guerrière parvienne à se calmer, puis elle hocha la tête en direction d’Helen.
« Bon. » fit-elle en sortant quelques clichés radiographique. Elle se redressa tout en préparant l’appareil de lecture contre le mur.
« Si le lieutenant t’a fait venir, ce n’est pas seulement parce que tu as demandé à la voir. Je pense que cette fille est davantage victime que coupable dans cette affaire. J’ai présenté ces preuves. »
Elle claqua les radios contre l’affichage lumineux pour les coincer, faisant apparaître la charpente osseuse d’Abelle. On reconnaissait son crâne, de profil, ainsi que ses cervicales. Une radio de son torse puis de ses genoux.
« La patiente présente des lésions sur ses cervicales. Je lui ai trouvé un début d’hernie discale sur deux de ses vertèbres. Tu vois, ces bêches ? »
L’environnement était très étrange.
Lyanna s’était transformée en mère poule terrifiée d’apprendre à quel point Abelle avait abîmé son corps pendant qu’Helen lui annonçait les mauvaises nouvelles avec un professionnalisme habituel, presque froid.
« Je trouve les mêmes sur ses côtes et ses jambes. C’est inhabituel. Ce qui a conforté mes hypothèses, ce sont ses mains. »
Ridding accrocha une dernière radio. On y voyait les os de la main droite de la servante. Avec son petit doigt, Helen dessina un trait parfaitement droit soulignant les mêmes brèches sur chacune de ses phalanges. Trop droite pour tenir d’un accident.
« C’est symptomatique d’un coup de porte infligé délibérément. Cette fille a été torturé. Les douleurs consécutives à ces différentes blessures rendraient fous n’importe qui. »
Le médecin haussa des épaules.
« Ce n’est qu’une hypothèse. Mais je pense que la drogue devait être un moyen de soulager sa douleur. En revanche, ces soixante-treize kilos valent une fortune. C’était forcément en dehors de ses moyens. »
Autant dire que ces découvertes transformèrent Lyanna en une véritable bombe à retardement. Apprendre non seulement qu’Abelle avait été torturé était déjà quelque chose d’horrible et de difficilement supportable. Mais qu’en plus, elle avait eu raison sur le rôle qu’avait joué la jeune femme dans cette histoire de trafic, qu’elle était manipulée par quelqu’un qui l’envoyait faire cette sale besogne pour elle ne savait encore quelle raison, s’en était trop pour la guerrière. Cette dernière sentit une énorme bouffée de rage l’envahir, et elle dut se lever et se détourner des radios pour ne plus voir les sévices qu’avait subi Abelle. Elle fit les cents pas dans la salle, les poings serrés, prête à frapper n’importe qui.
"Je dois savoir qui lui a fait ça ! Il faut qu’elle me le dise !" murmura-t-elle sans ajouter qu’elle tuerait cet inconnu sitôt qu’elle le trouverais, gardant cette information pour elle, même si Helen devait s’en douter.
« Lyanna... » l’appela le médecin pour attirer son attention. Elle était restée à côté des radios. « Ne soit pas naïve. Cette jeune fille à son jugement altéré, elle sera en manque. Et c’est sans compter les traumatismes psychologique que ces mésaventures lui ont causé. Tu vas faire face à une inconnue, il faut que tu le saches. »
Lyanna déglutit avec difficultés. Elle ne voulait pas croire qu’Abelle ne puisse pas la reconnaître, ou soit complètement incohérente. Pourtant, vu son état et ce qu’elle avait subi, il y avait de fortes chances que ça soit le cas. Mais ça lui était égale. Elle devait être là pour elle. La guerrière secoua la tête.
"Je veux la voir !" répéta-t-elle avec sérieux, en fixant Helen.
Le médecin était d’accord.
Elle éteignit le lecteur de radio puis quitta le bureau pour lui montrer le chemin. Elles revinrent vers l’escalier en colimaçon plongeant. Il y en avait un autre qui lui faisait face et descendait un niveau encore en-dessous. Heureusement, l’éclairage y était également installé, sinon il y ferait noir comme dans un four. Pendant le trajet, Lyanna rencontra quelques ingénieurs qui installaient des détecteurs de mouvements et des portes de sécurités. Helen retira son badge pour le passer dans le lecteur et invita Lyanna a passer devant.
« Le quartier de détention de haute sécurité. Nous y avons les prisonniers les plus importants. »
Le même corridor qu’elle avait longé pour aller à l’infirmerie s’étalait sous ses yeux. Mais cette fois-ci, les côtés étaient garnis de cellules. D’anciens dortoirs que les ingénieurs avaient renforcé par des portes grillagées ne s’ouvrant que par pass. Dès que Lyanna et Helen passèrent devant, les captifs, des hommes en grande majorité, se mirent à les siffler. Si Lyanna regardait l’un d’eux, elle pourrait les voir, mains autour des barreaux, les lorgner avec envie. Faire des gestes de langue, des claquements de bouche, voir même montrer leur sexe dans des accoups pervers.
Beaucoup les invitaient à entrer, ou scandaient qu’elles n’avaient pas le courage de faire face à de “vrais” hommes.
« Un bel exemple de l’humain, tu ne trouves pas ? » constata Helen en les ignorant.
"J’ai l’habitude de ce genre de mâles. D’ordinaire, je les frappe là où c’est douloureux. Ca les calme pour un temps. Sinon, le mieux c’est de les castrer" lança Lyanna sur un ton sérieux, essayant de ne pas les regarder pour ne pas se laisser submerger par la haine.
Enfin, elles parvinrent au fond du corridor. La porte qui aurait donné sur l’infirmerie un niveau plus haut donnait cette fois sur la salle d’interrogatoire. La table et la chaise étaient vides, personne ne s’y trouvait. Pourtant, puisque cette porte était grillagée, Lyanna trouva la silhouette d’Abelle un peu plus loin, lui tournant le dos. Elle avait ouvert largement le pan de sa tunique pour remuer sa poitrine sous le nez d’un garde qui brillait par sa passivité.
« ...et tu pourras me prendre sur cette table comme tu auras envie, je serai une très gentille fille ! »
Helen avait constaté la même scène que Lyanna. Cette dernière fut d’ailleurs stupéfaite de voir la si douce et gentille Abelle réagir comme … une putain. La guerrière tourna la tête vers le médecin pour essayer de comprendre ce changement de comportement.
« Elle réclame encore sa dose. La dernière fois, elle s’était mise à genoux devant mon mari pour essayer de le gâter. Son organisme la pousse à bout. » lui expliqua-t-elle lentement. « Elle tentera tout ce qui est possible pour obtenir de la drogue. Dans cet état-là, elle manque totalement de raison et de lucidité. »
« Quoi ? Tu n’aimes pas ce que tu vois ? » insistait Abelle en débutant une sorte de danse qui se voulait sensuelle.
Helen Ridding ouvrit l’une des poches de son gilet et en retira un tube de prélèvement.
La poussière bleu brillante à l’intérieur ne laissait pas de doute quant à sa nature. Le médecin confia la dose à Lyanna tout en lui disant qu’Abelle n’aurait pas la prochaine avant quatre heures. La guerrière regardait le tube qui contenait la drogue, et elle serra la mâchoire. Cela ne lui plaisait pas du tout de donner ça à Abelle, mais Helen avait raison. La jeune femme ne pouvait pas être sevrée d’un seul coup, et elle avait besoin de cette saloperie à plus petite dose pour ça. Lyanna rangea le tube dans une poche de son gilet, avant de regarder le médecin.
« Utilise ton pass pour entrer. Les soldats à l’intérieur sont de garde, ils ne partiront pas. Oublie l’idée de les renvoyer. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésites pas à m’appeler à la radio. On fait équipe sur ce coup. »
Tandis qu’Helen faisait demi tour et partait, Lyanna la regarda faire, avant de reporter son attention sur Abelle à l’intérieur de la salle d’interrogatoire. Elle voulut entrer, mais un détail la chiffonna. Elle était armée, et vu que la jeune femme n’était pas entravée, malgré la présence des quatre gardes, ça ne serait sans doute pas une bonne idée. A contre coeur, elle retira ses épées et son couteau, et les confia à une femme militaire qui gardait la porte. Puis, elle respira profondément, sortit son badge et le passa devant l’appareil qui émit un bip. Elle ouvrit la porte et rentra dans la pièce, tandis que la militaire verrouillait derrière elle. Lyanna resta longuement à regarder Abelle qui avait du remarquer sa présence. Cette dernière était méconnaissable, elle n’avait plus rien à voir avec la jeune femme qu’elle connaissait. Comme Helen le lui avait dit.
"Bonjour Abelle".
Quand elle se retourna complètement, elle avait encore sa tunique entrouverte, se fichant de sa demi-nudité qu’elle offrait au regard de tous. La jeune femme avait les cheveux rabattu en avant comme une sauvageonne, la peau ruisselante de sueur. Ses mains tremblantes montèrent au niveau de ses yeux et elle écarta ses mèches pour mieux y voir. Alors qu’elle toisait Lyanna sans vraiment la reconnaître, elle révélait les énormes cernes noires qui entouraient ses yeux. Sur une face de son visage, de la joue jusqu’au creux du nez, elle s’était gratté frénétiquement. A tel point qu’elle était couverte de croûte de sang coagulé, certains récentes, d’autres pratiquement arrachées.
« Ah !!!! Merci Seigneur ! Enfin quelqu’un venu me sortir de là ! » s’écria-t-elle d’un air enthousiaste surjoué. Elle était mauvaise menteuse, son hypocrisie se devinait très facilement.
Abelle ajusta sa tunique sans la fermer, comme si elle avait la flemme de faire l’effort de la refermer sur chaque boutons. Elle vint à grandes enjambées, passa à côté de Lyanna sans un regard pour elle, puis claqua de ses deux mains contre la grille.
« BON ! LAISSEZ MOI SORTIR ! Elle me connait, elle est venue me libérer ! »
Personne ne lui répondit.
Abelle ne semblait avoir aucune patience. Elle abattit ses mains encore plus fort contre la porte, faisant résonner le métal, alors qu’elle jurait. Comprenant qu’elle ne serait pas sortie tout de suite, elle fit demi-tour pour observer un instant l’Amazone. Elle se passa la manche sur le visage. Mais il était tellement gorgé de sueur qu’elle ne fit qu’étaler le ruisseau sur son front plutôt que de le retirer.
« Tu sais où est mon sac ? »
Lyanna n’avait pas essayé d’empêcher Abelle de frapper la porte, et elle s’était écartée d’elle pour se placer à côté de la table, les mains croisées sur sa poitrine. La guerrière observait la jeune femme qu’elle ne reconnaissait plus, et inversement apparemment. Comme l’avait dit Helen. Lyanna souffrait de voir Abelle dans cet état, mais elle ne laissa rien paraître sur son visage. Lorsque la “junkie” se retourna pour la regarder, en parlant de sac, encore à moitié dénudée, la guerrière garda son visage impassible. Elle aurait voulu prendre Abelle dans ses bras, mais elle savait que c’était impossible. Elle secoua la tête à sa question.
"Aucune idée, je ne vois pas de quel sac tu parles".
Lyanna s’assit à moitié sur le bord de la table, les bras toujours croisés.
"Tu te souviens de moi, Abelle ? Tu sais qui je suis ?"
« Pourquoi je t’aurai oublié, Lyanna ? On a travaillé ensemble sur ma planète. J’étais à ton service ! »
Elle se mit à faire les cents pas, s’entourant de ses bras comme si elle frissonnait. Tous les signes de manque la harcelait.
« Ils m’ont enfermé ! J’avais le droit de passer, pourtant ! Je suis la servante de la reine, tout de même ! De quel droit ils se permettent, ces voleurs ! »
Lyanna fut soulagée de voir qu’Abelle ne l’avait pas complètement oublié. Au moins, ses souvenirs étaient encore là. La guerrière regarda autour d’elle, observant les mâles qui se trouvaient dans la salle. Elle aurait préféré qu’ils ne soient pas là, mais c’était peine perdue de les faire sortir. Helen l’avait prévenu. En soupirant, la guerrière reporta son attention sur la jeune femme qui frissonnait en marchant. Il lui fallait sa dose de drogue.
"S’ils t’ont enfermé, c’est parce que tu portais un sac très lourd. Avec quelque chose de dangereux à l’intérieur. C’est pour ça que tu n’as pas pu rentrer chez toi".
Lyanna se redressa et se tourna vers la table, gardant toujours en visu Abelle.
"Tu sais très bien que cette chose est mauvaise pour toi. Pourquoi vouloir en rapporter sur ta planète ?"
« Ce ne sont pas tes affaires, je n’ai pas à te répondre. » lâcha-t-elle, soudainement très agressive. Elle lança un regard noir de haine à son encontre.
« Maintenant libère-moi ou dégage ! »
Voir Abelle si agressive était vraiment surprenant. Elle avait du vivre un véritable calvaire depuis la dernière fois que Lyanna l’avait vu. Sans oublier le fait qu’elle se droguait et qui n’arrangeait pas les choses. Abelle lui rappelait ses jeunes Soeurs lors de leur apprentissage, mauvaise dans le caractère par pur défense. L’attitude de la jeune femme ne perturba pas la guerrière qui restait impassible. Elle continua de fixer Abelle.
"Tu sais très bien que je ne partirais pas tant que je n’aurais pas de réponses à mes questions. Et je n’ai pas le pouvoir de te libérer".
Lyanna sortit le tube de sa poche, et le montra à Abelle.
"Tu veux ça ? J’ai besoin de réponses ..."
Dès l’instant où la jeune femme avait aperçu la couleur bleuté de la poudre dans le tube, un brusque changement s’était opéré en elle. Son corps s’était recouvert d’une chair de poule, l’ensemble de sa pilosité, jusqu’aux cheveux et sourcils, tiraillés par ce besoin viscéral de consommer le produit. Elle ne regardait plus Lyanna, elle ne regardait plus que ça maintenant. Abelle s’humecta ses lèvres gercées et s’agita un peu moins.
« Que...qu’est-ce que tu veux...savoir ? » baragouina-t-elle en se dandinant d’un pied sur l’autre.
Elle cligna des yeux. Totalement docile.
« Je...ferai tout. Je...j’ai besoin de ça, donne-le moi ! Ce sont mes….mes...médicaments. Il me le faut ! »
"Qui t’a procuré cette drogue ?" demanda Lyanna en gardant le tube dans sa main.
« Mon fournisseur ? Bogda. Il...il livre les grandes quantités. »
Elle décida que cette réponse suffisait. Elle tendit la main pour prendre le tube.
"Et ce Bogda, où se trouve-t-il ? Est ce qu’il a des associés ?"
« Trois hommes de main le protège. Il est dans un endroit...enterré. Mais je ne sais pas plus. A chaque fois...on me met un bandeau sur les yeux. »
Elle tenta une nouvelle fois de prendre le tube.
« DONNE MOI ÇA ! »
"Arrête de crier, sinon je le range !"
« Tu... ! »
Son regard s’écarquilla, comme si elle était prise d’une soudaine clairvoyance.
« Tu...n’as jamais eu l’intention de me le donner ! C’est...c’est ça hein ?!? »
Ses tremblements reprirent de plus belle, comme si elle subissait le contrecoup d’être restée physiquement aussi calme. Elle se prit la tête entre les mains, secouant ses cheveux dans tous les sens.
« Vous voulez me tuer ! Vous voulez me tuer LENTEMENT ! »
Lyanna fit tout son possible pour rester calme, mais si à l’intérieur, elle hurlait. Le tube toujours en main, elle fit mine de le poser sur la table, mais elle le garda en suspension, hésitante. Elle essaya d’attirer l’attention d’Abelle.
"Vu que tu sais qui je suis, tu dois savoir aussi que je ne t’ai jamais voulu de mal, ou te faire souffrir".
Lyanna continua de fixer Abelle, sans lâcher le tube.
"Réponds à seulement deux questions, et je te donne ta dose ! Tu es d’accord ?"
« NON, JE TE HAIS !!!! » hurla soudainement Abelle en éclatant en sanglots.
Les forces semblaient lui manquer soudainement. Ses jambes cédèrent et elle se recroquevilla sur elle-même, pleurant toutes les larmes de son corps en répétant dans un couinement qu’elle haïssait Lyanna. Cette dernière profitait du fait qu’Abelle ne la regardait pas pour ranger le tube dans une poche de son gilet, à l’abri. Puis, elle s’avança vers la jeune femme, et se plaça dans son dos. S’accroupissant, elle la prit dans ses bras pour essayer de la calmer.
"Abelle, écoute moi. Je suis ici pour t’aider ! Mais il faut que tu me fasses confiance, sinon je ne pourrais rien faire !"
Mais contre tout attente, la servante se retourna pour se jeter sur l’Amazone. Son pleur avait mué sur le cri d’une bête sauvage enragée. Un cri qui contrastait horriblement sur ce qu’était réellement Abelle, sa douceur et sa gentillesse. C’était à croire qu’un démon avait investi son corps et ne voulait plus la relâcher. Entraînée par une force qui la stupéfiait, Lyanna se retrouva sur le dos tandis que son amie grattait frénétiquement du bout des ongles les poches de son gilet sans y parvenir. Elle continuait d’hurler, encore et encore, n’ayant que pour seul but cette unique dose. Elle y aurait misé sa vie.
Il ne fallut pas plus d’une dizaine de seconde pour que deux paires de mains ne s’emparent d’elle et la rejettent lourdement contre la table. Deux gardes sur les quatre s’étaient occupés de son cas sans douceur, la contraignant par une prise de soumission pendant qu’un autre lui enfilait des serflexs derrière le dos.
« DÉTESTE ! DETEEEEEEEESTE !!! » hurlait-elle comme une folle.
Lyanna se releva, et regarda Abelle maintenue par deux mâles, tandis qu’un troisième lui liait les poignets. En temps normal, elle serait intervenue pour leur faire lâcher prise et protéger la jeune femme. Mais là, elle avait à faire à une véritable furie, et elle ne savait pas comment la gérer sans la frapper.
Au même moment, le bip sonore de la porte résonna au travers des cris d’Abelle. Helen et un infirmier rejoignirent immédiatement le groupe. Ils observèrent brièvement la patiente. Helen retira une ampoule de sa poche puis y planta une seringue. Elle préparait un calmant à action rapide.
« Tenez-là fermement ! » ordonna-t-elle aux gardes.
Abelle faisait un tel scandale de folie qu’on aurait cru qu’on était sur le point de l’égorger. Bloquée de tout son long contre la table, elle se mettait maintenant à battre des pieds dans tous les sens, cherchant par tous les moyens à leur échapper. Toute l’énergie qu’elle déployait était surprenante.
Helen passa de l’autre côté de la table. Aidé par l’infirmier qui ouvrit une faille, elle accéda à l’épaule de cette dernière et la piqua. Son cirque dura encore une vingtaine de secondes puis elle perdit en force. Progressivement, ses mouvements furent moins violents. Ses hurlements ressemblaient à un vieux film d’horreur dont on baissait le son tant ça gênait.
Puis elle s’éteignit enfin.
Le silence avait quelque chose de salvateur à ce moment là.
« Ok...ok. Mettez là sur la table. » ordonna Ridding en passant le stéthoscope à ses oreilles.
Les militaires et l’infirmier coopéraient. Pendant qu’elle cherchait à poser le capteur sur la poitrine nue de la patiente, elle regarda Lyanna avec un mélange d’appréhension et de compassion.
« Lyanna ? Rien de cassé ? »
"Ca va. Plus surprise qu’autre chose" dit Lyanna, étant restée en retrait pendant l’intervention d’Helen.
La guerrière s’approcha de la table.
« Tu lui as donné sa dose ? »
"Je n’ai pas eu le temps, je lui posais quelques questions, mais elle a piqué sa crise avant d’avoir donné toutes les informations que je cherchais".
« Ce n’est pas une bonne stratégie de mettre un drogué au pied du mur. Bon sang, je ne t’ai pas confié cette dose pour que tu la retiennes ! » râla soudainement la toubib.
Elle pressait sa main contre son front.
« Elle est fiévreuse. Le délire n’a rien arrangé. »
Lyanna leva les yeux au ciel. C’était la première fois qu’elle faisait face à ce genre de situation. Puis, elle reporta son attention sur Helen.
"Elle répondait bien à mes questions, j’attendais encore deux réponses. Si je lui avais donné tout de suite sa dose, je savais parfaitement qu’elle se serait murée dans le silence. Qu’est ce que tu voulais que je fasse ? Que je la laisse mener la danse ?"
« Merde ! J’y crois pas ! Ce n’est pas une compétition !!! Tu mènes l’interrogatoire comme tu veux tant que tu ne mets pas sa vie en danger. Tu as du temps pour ça, quitte à revenir quand elle est en manque. »
Helen jura une nouvelle fois.
« Il fait pas bon d’être ton amie ! »
Les dernières paroles eurent raison de Lyanna. Cette dernière était furieuse. Elle sortit le tube de sa poche, et le posa sur la table. Puis, elle partie vers la porte et quitta la pièce, avant d’aller chercher ses armes auprès de la militaire.
Lyanna n’était véritablement pas au bon endroit pour calmer ses nerfs.
Déjà, les prisonniers se collaient aux barreaux pour la provoquer, lui faire remarquer ses formes appétissantes ou son visage qui ne méritait que d’être “inondé”. Il fallait qu’elle s’écarte, qu’elle trouve un endroit calme. Donc, après avoir repris l’escalier pour revenir au premier sous-sol, celui donnant sur l’infirmerie, elle fût enfin débarrassée des cris et des remarques. La jeune femme ne savait pas qu’elle tomberait pile sur la route du lieutenant Ridding. Lequel se planta devant elle pour la dévisager. Lyanna s’arrêta net pour ne pas lui rentrer dedans. Et quand elle comprit enfin qui elle avait en face d’elle, elle ne pus s’empêcher de lâcher un "oh non, pas lui !" tout à fait perceptible. Ce n’était décidément pas son jour.
Le concerné fit mine de ne pas avoir entendu.
« Vous avez appris quelque chose ? »
"Pas autant que j’aurais voulu, non" lança-t-elle sur un ton énervé par toute cette situation.
Lyanna soupira et secoua la tête.
"J’ai juste pu avoir un nom, celui de son fournisseur. Un certain Bodga. T’es content ?"
Les yeux sombres de colère, Lyanna contournait déjà Ridding pour partir.
« C’est un début. » fit-il en amorce. Mais le comportement de Lyanna ne lui donnait pas envie de l’épargner. « Mais si vous traînez les pieds, je peux vous faire assister par l’agent Rahim. A vous de voir. »
Entendre que Rahim serait de la partie pour interroger Abelle fit stopper la fuite de Lyanna, qui se retourna pour lancer son regard noir sur Ridding. Elle eut un sourire mauvais pour lui.
"Tu crois vraiment qu’elle va la faire parler, alors qu’en cet instant, Abelle est entrain de dormir, sous calmant ?"
Lyanna secoua la tête.
"Elle n’a pas intérêt à s’approcher d’elle. Moi, je vais prendre l’air en attendant qu’Abelle se réveille !"
« Vous êtes prévenue. Si vous n’avez qu’un pauvre nom à me donner la prochaine fois que nous nous croisons, l’agent Rahim reprendra l’affaire. » déclara Ridding plus sévèrement. « De nombreuses vies sont en jeu. »
eden memories