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La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna
« Et vous devez le battre de cette façon. Le mélange doit être très homogène, compris ? Très homogène ! »
« Tu me passes les oeufs ? »
Autrefois, quand il était gamin, le dimanche soir le rendait toujours un peu triste. C’était la fin d’un week-end de jeu et de loisir, le début d’une semaine de galère. Surtout lorsqu’il regardait les dessins animés, le fameux bip-bip et coyote, et tout ce que son esprit d’adulte avait effacé depuis.
Il fallait avouer que ce dimanche soir ne faisait pas exception à la règle. Ils avaient à peine repris le cours de leur vie depuis que ce fameux commandant avait été déchu et - contrairement à la pensée générale - il y avait une masse de boulot à abattre. Pour faire simple, il fallait récupérer le retard tout en ramassant les pots cassés de ce tordu.
Heureusement, plusieurs aspects des divertissements d’Atlantis n’avaient pas été interrompus. Au contraire, avec tout ce chambardement, c’était même nécessaire de pouvoir évacuer un peu. Lyanna se remettait encore de ses violentes bagarres contre les gardes. Son vœu d’apaiser sa haine contre le genre masculin avait fait retour à la case départ.
Non...en jetant un coup d'œil dans sa direction, il rectifia sa pensée. C’était même trois pas en arrière.
Darren pensait que cette haine ne disparaîtrait jamais. Ce n’était pas une tare. Plutôt comme une séquelle de la vie d’antan de sa compagne. Il fallait se faire une raison.
Parce qu’il en éprouvait secrètement le besoin, Darren essayait de construire des petits moments de couple que ces derniers événements avaient empêché. Là, ce dimanche soir en l'occurrence, il avait réussi à la convaincre pour le club de cuisine. Avec ses tactiques de fourbe et sa façon d’argumenter, il avait réussi à faire entrer cette barbare dans une salle de cuisine avec une bonne trentaine d’Atlantes.
Ses multiples refus, à l’origine, s’étaient brisés lorsqu’il lui avait tendu le formulaire. Dessus, elle avait pu y lire le sujet de l’enseignement : brownie au chocolat noisette. Avec des produits issus de la Terre, ce qui avait rendu les places très chères.
Donc, Darren et Lyanna se tenaient devant leur plan de travail, suivant précautionneusement les instructions du maître cuisinier.
Darren réceptionna le bol contenant les œufs que sa belle avait cassés. Mais pratique de barbare oblige, et parce que Madame prétendait ne pas être une cuisinière sur sa planète, elle avait broyé les coquilles en laissant des fragments dans tous les sens. Vu son regard innocent, elle ne trouvait pas que c’était un problème.
A moins que ce soit une stratégie pour chaparder un nouveau carré de chocolat dans le bol beaucoup trop proche de sa main. Foutue gourmandise !
« Darren. Ne me forcez pas à mettre ma menace à exécution ! »
Sa belle Amazone était intenable.
Du vrai chocolat au lait issu de la Terre, première qualité pour la pâtisserie…
Ca c’était plutôt mal passé la dernière fois qu’elle avait mis un pied en cuisine. Le maître d’apprentissage étant un homme qui n’hésitait pas à dire ce qu’il pensait. Alors quand il avait harangué Lyanna parce qu’elle avait fait cramer le lait, elle avait pris ça pour une agression. Ça n'était pas passé loin du désastre.
Pour avoir une place ce soir, le militaire avait promis que sa femme se tiendrait à carreau. Ça passait nécessairement par l’obligation de ne pas piocher dans les matières premières. A la prochaine incartade, ils se faisaient tous les deux virer du cours de cuisine. Mais puisque Lyanna se fichait des règles édictées par un mâle...
Un air réprobateur voila son regard tandis qu’il fixait sa compagne. Elle tenait encore l’objet du délit en main, le cadavre chocolaté marqué d’un coup de croc bestial. Avant qu’elle ne puisse récupérer un autre morceau de chocolat, consciente que Darren allait faire passer le ramequin de son côté de la table, elle tenta d’en prendre un autre.
Le soldat fut plus rapide. Il posa son torchon dessus, dans l’espoir qu’en ne le voyant pas, l’appel à la gourmandise cesserait.
« Je gère ! » répondit-il au maître cuisinier tout en défiant Lyanna du regard.
Dans le fond, il comprenait son comportement.
Depuis qu’elle avait été emprisonnée par les gardes, ils avaient cherché à l’affamer, à ce que le manque de vivre, d’eau et de soin la rendent folle. Qu’elle craque et accepte de retourner sa veste. C’était la technique du fameux commandant. Et elle avait subi ce traitement depuis plus longtemps que lui.
Ensuite, le temps qu’Atlantis s’assure que ses stocks n’étaient pas épuisés, empoisonnés ou plein d’autres trucs dans le genre, ils avaient connu une sorte de rationnement.
Le retour à la normale, concernant les douceurs et les friandises, ne s’était produit que très récemment. Autour dire que son amante se fichait parfaitement du brownie puisqu’elle avait un accès anticipé à un chocolat de qualité.
« Passe-moi la farine au lieu de provoquer le cuisto ! » marmonna-t-il plus bas.
Lyanna soupira, avant de s'exécuter en donnant le verre doseur dans lequel se trouvait la bonne quantité de farine.
"D’accord" dit-elle sur un ton las.
Darren continua la préparation. Au moment de placer le beurre et le chocolat au micro-onde, il croisa le regard de Lyanna. Une barbare sanguinaire, vêtue d’un tablier et d’une charlotte - accessoirement sa femme - lui faisait les yeux de biche. Sans mot dire, elle le lorgnait longuement.
« Arrête ! Ça devient super gênant, là ! Ca ne marche pas ! »
En fait, ça marchait complètement. Et Lyanna savait très bien comment s’y prendre pour faire craquer son partenaire. Elle lui lança un regard qu’elle avait vu une fois dans un film, et qui avait fait fondre tous ceux qui l’avaient regardé dans la salle : le Chat Potté du film Shrek, un film très curieux car il était différent de tous ceux qu’elle avait vu depuis. Imaginez la détresse de Darren lorsque ce dernier avait dû lui expliquer le concept d’images de synthèse. Mais la chose qui avait marqué davantage Lyanna avait été ce regard attristé et suppliant qu’elle s’amusait à reproduire quand elle voulait quelque chose. Comme en cet instant.
"S’il te plait ! Juste un !"
A force de le fixer comme ça, le jeune homme finit par céder. Ses épaules se voutèrent puis il rouvrit le micro-onde pour prendre un carré de chocolat.
Il le fit glisser vers Lyanna, espérant être discret.
Lyanna croqua le carré de chocolat, un sourire aux lèvres. Cette simple scène gonfla le cœur de Darren qui lui sourit en retour. Malheureusement, le cuisto les avait grillés et sa voix ne tarda pas à changer l’expression de Lyanna.
« Clive. Vous et votre amie, vous sortez. Je vous avais prévenu ! »
« Et merde... »
Le mâle cuisinier voulait la priver définitivement de chocolat. Et ça, elle n’appréciait pas. Si Darren n’avait pas été là, elle lui aurait sauté dessus toutes griffes dehors. La jeune femme leva les yeux au ciel, se sentant agresser une fois de plus.
"Ca va, ce n’est pas la mort ! Ce n’est qu’un simple carré de chocolat, tu en as plein d’autres !"
Décidément, il valait mieux empêcher Lyanna de prendre la parole. Car excepté envenimer la situation, elle était très loin d’être diplomate avec un homme. Darren grimaça. Sa compagne ne connaissait pas la teneur de leur dernière discussion pour pouvoir revenir au club. Le cuisto voulait un minimum de respect, ce qui semblait légitime. Il lui avait pourtant demandé de jouer le jeu. Mais l’Amazone était toujours aussi impulsive.
"Il est tombé par terre, on n’allait pas le mettre dans le gâteau, ni le jeter" dit-elle en mentant effrontément, ignorant si le cuisinier allait croire cette histoire ou non.
« Dehors ! » cracha le cuisto en désignant la porte.
Tout autour d’eux, on les fixait avec un mélange de mépris et de reproches. Ils représentaient les éléments perturbateurs dans un moment de partage et de convivialité. En gardant la tête froide, le soldat savait que ça pourrait desservir sa compagne d’insister. Elle ressortait tout juste d’une sanction disciplinaire avec la construction d’une route. Son comportement dans le camp Delta ne lui avait jamais été reproché mais il savait de source sûre qu’on avait parlé d’elle dans le milieu. Pendant son absence, elle s’en était donnée à coeur joie dans le camp, s’attaquant aux militaires renégats dès qu’elle en avait la force ou l’occasion.
Si elle se rebellait pour deux carrés de chocolat, elle se plaindrait d’avoir Ridding sur le dos le lendemain.
« Allez, viens. » coupa Darren en lui prenant la main.
Sans attendre, il l’attira dans son sillage sans relâcher son emprise. C’était un acte délibéré, il espérait que son contact la calmerait un peu. Et en l’entrainant si vite sans la relâcher : il se garantissait le fait qu’elle n’embarquerait pas le reste du chocolat sous le nez du cuisto. Il avait bien fait, car Lyanna s’apprêtait à ouvrir le micro-onde pour récupérer le bol entier. Mais elle n’en eut pas l’opportunité tant Darren la pressait de s’éloigner, pour le plus grand désaroi de la jeune femme. Ensemble, ils quittèrent la salle du club de cuisine et sortirent dans le couloir.
Lorsque la porte se ferma dans leur dos en produisant un bruit électronique, Darren se tourna pour fixer son amante, essayant de ne pas trop l’accabler de reproches silencieux. Encore un souvenir de couple foutu à la poubelle. L’amour, ça rendait sacrément patient.
« Ca va, ce n’est pas la mort... » répéta fidèlement Darren en enlevant sa charlotte.
Il se mit à sourire, c’était une expression typiquement Atlante.
« C’est April qui t’a appris ça ? » questionna le soldat sur fond de déduction.
Lyanna retira son tablier, vexée d’avoir été expulsée du cours de cuisine pour quelques carrés de chocolat. Comment allait-elle faire pour en manger, maintenant ?
"Oui, elle le dit souvent".
La jeune femme soupira.
"Elle dit aussi autre chose … heu … il n’y a pas mort d’homme … mais je ne veux pas dire cette phrase !"
« Normal...vu que tu rêves de buter la moitié de la population d’Atlantis. » répliqua Darren avec un air aigre.
Lyanna regarda Darren, avant de baisser les yeux.
"Tu m’en veux ?"
« Non. » mentit Darren.
Il enveloppa sa taille d’un bras avant de la guider tranquillement vers les digues. Une petite marche s’imposait. Il avait remarqué que l’espace et l’air marin la rendait toujours un peu plus à l’écoute.
« Mais bon...les cours de salsa, tu as pas aimé que le prof te dise que tu étais aussi raide que ton épée. La cuisine, on s’est fait viré pour de bon. Tu as failli flinguer le mec qui a posé pour le cours de dessin. Franchement... »
Darren haussa des épaules.
« A ce rythme, on ne voudra plus de nous nulle part. Le but, ce n’est pas de s’isoler des autres comme des ermites... »
Lyanna se blottit contre Darren tout en marchant, passant elle aussi son bras autour de la taille du soldat. Elle avait déjà vu des couples marcher ainsi, elle reproduisait naturellement ce geste. Ce n’était pas pour lui déplaire, Lyanna prenait de plus en plus d’assurance dans son couple.
"Je sais, mais ..."
Elle soupira.
"Ces mâles m’ont énervé ! Tu sais bien que je n’aime pas qu’un mâle me fasse des reproches !"
Lyanna était vraiment têtue quand elle s’y mettait. Elle savait que Darren faisait de gros efforts pour tenter de la sociabiliser avec les autres, mais le chemin était difficile. Et si la sanction qu’elle avait eu avec la création de la route avait permis à la jeune femme de se calmer un peu vis à vis de la gente masculine, ce qui s’était passé depuis avec le Commandant, et le camp Delta avait tout réduit à néant, même si Lyanna n’avait encore tué personne. La guerrière s’arrêta et se plaça au bord de la digue, en regardant les vagues qui s’écrasaient sur le métal.
"Trouves moi des activités où il n’y a que des femmes !"
« Ce serait trop facile. »
Il se plaça à ses côtés, se prêtant à la même observation.
« Il faut que tu progresses. Je ne vais pas te forcer à aimer la gente masculine. Mais il faut que tu puisses vivre en communauté... »
Il avait eu ce discours trop souvent. Il savait par coeur qu’elle effet ça produisait chez sa compagne. Pour commencer, elle se crispait. Puis elle se détendait légèrement en se rappelant qu’elle n’était pas menacée avec lui. Ensuite elle se disait qu’il avait raison. Et pour finir, sa nature faisait que ça ne changeait pas, même pour les sentiments qu’elle lui portait.
« Au moins un minimum. » rectifia Darren. « Atlantis est une communauté, il faut faire ce minimum pour prouver qu’on peut y vivre. »
Lyanna soupira à nouveau, sans cesser de regarder l’océan. Elle savait parfaitement que son amant avait raison. Un silence pesant s’installa entre eux. Darren savait qu’elle détestait ce sujet et il en avait marre d’avoir toujours le rôle du gêneur. Sauf qu’il tenait à elle et qu’il était amoureux. Il ne pouvait se permettre d’être négligent.
« Bon ben...il y a le club d’astronomie. »
La jeune femme fronça les sourcils en entendant ce terme, et elle tourna la tête pour regarder Darren. Elle avait déjà entendu ce mot de la bouche de certains scientifiques sur la cité, ceux pour qui c’était le métier, mais elle n’avait jamais rien compris à leur charabia. Elle n’y s’était donc pas intéressée. Darren leva le nez pour regarder la magnifique voûte étoilée, imitée aussitôt par Lyanna.
« Avec un outil comme nos jumelles mais en beaucoup mieux adapté, on peut voir plus en détail des planètes, des lunes... »
"Des planètes comme Kirana ? On peut la voir d’ici ?"
Le soldat hésita. Il voulait tout de même la faire rêver un peu, la motiver.
« C’est possible. Elle serait aussi petite qu’une tête d’épingle, comme une étincelle éternelle. » dit-il.
Lyanna ne répondit pas, et observa le ciel avec attention. Comme si elle cherchait où pouvait être son monde parmi les milliards de petits points blancs lumineux. Darren savait qu’il faisait jouer sa curiosité. Il n’acceptait pas l’idée de rester sur un échec, un renvoi qui renforcerait la résolution de Lyanna à l’auto-isolement.
« Et même une étoile filante si tu as de la chance... »
Lyanna regarda à nouveau Darren, sans comprendre.
"Qu’est ce que c’est, une étoile filante ?" demanda-t-elle, ignorant qu’elle en avait déjà vu sur son monde, bien que le terme soit différent.
« Hmmm, je suis sûr que tu aimais regarder les étoiles la nuit. » supposa le militaire. « Et puis un soir, soudain, tu voyais une lueur passer comme une flèche de lumière, très rapide, avant de disparaître.. »
"Oui, je regardais beaucoup le ciel. Les amas d’étoiles avaient des formes, et cela nous permettait de nous orienter la nuit".
Lyanna fronça les sourcils, se rappelant d’avoir vu ce que Darren lui décrivait.
"J’ai déjà vu ça … les traînées de feu … elles ne duraient pas longtemps".
« Et bien le type qui dirige le club pourra t’expliquer le phénomène qui produit les traînées de feu. Il pourra même te dire pourquoi ça ne reste jamais bien longtemps... »
Il la prit amoureusement dans ses bras et joua de leurs proximité dans un mélange d’esquisse de danse et de tendresse. Lyanna vint se blottir contre son amant, passant ses bras autour de sa taille, levant la tête pour le regarder. Darren ajouta d’une voix malicieuse :
« Si tu veux bien oublier une minute qu’il a un truc qui pendouille entre les jambes... »
La jeune femme soupira, elle n’avait pas envie d’oublier le fait que c’était un mâle qui donnait des cours d’astronomie. Et qu’il allait lui parler pour expliquer les choses. Mais c’était visiblement important pour Darren. Lyanna réfléchit quelques secondes, avant d’abdiquer en se mordant la lèvre.
"J’essaierais … mais je ne te promets rien !"
« Tu le feras, tu me le promets... » rectifia-t-il.
Il passa une main dans ses cheveux bruns désormais un peu plus courts. Soit elle avait fait un saut chez le coiffeur volontairement. Soit April et Teyla lui avaient tendu une embuscade pour renforcer sa féminité. Darren en était d’autant plus sous le charme. Lyanna, de base, c’était quelque chose. Apprétée en mode femme, probablement parce que ses amies savaient qu’ils sortaient souvent le soir, il était incapable de se montrer indifférent. Sourcils finement épilés, maquillage discret, avec ses petits yeux doux. Le top du top ! Pas étonnant qu’il lui ait cédé le chocolat.
« Tu es magnifique. » lui dit-il sincèrement, regrettant de ne pas avoir financé un appareil photo pour capturer ce visage séducteur qu’elle lui affichait à ce moment précis. Ces paroles firent sourire la jeune femme, il n’y avait que Darren qui pouvait dire ça sans risquer de s’en prendre une.
« Du coup. » il se racla la gorge. « Vu que TU nous as viré de notre soirée en amoureux. On peut toujours se rattraper à la salle de boxe ou dans la chambre. Disons que... »
Il haussa des épaules, mimant un air parfaitement innocent.
« J’envisage plus la tendresse que la brutalité. »
Darren haussa les sourcils.
« Petit massage ? »
Lyanna ouvrit la bouche pour répondre du tac o tac le combat de boxe, car elle avait bien envie de se défouler avec Darren. Cependant, quand celui ci parla d’un petit massage avec un moment détente dans la chambre, la jeune femme ne sut trop que choisir.
"C’est dur de choisir ..."
La guerrière déposa un petit baiser rapide sur les lèvres de son amant.
"On ne peut pas faire les deux ?"
A son tour, il lui déposa un bref baiser.
« Tu me démontes toujours sous prétexte que tu ne sais pas gérer ta force alors...j’vais avoir les mains qui tremblent sur ta peau douce et délicieuse...et donc tu seras frustrée d’avoir eu un massage de vieillard ! »
Il fit mine d’être tiré en arrière par une force invisible.
« Choisit vite, moi j’m’en vais !!!! »
Lyanna se mit à rire devant l’attitude de Darren, qui l’amusait tout le temps en faisant le pitre. Elle prit ses mains dans les siennes en tirant, comme pour l’empêcher d’être attiré par cette soit disant force invisible.
"D’accord, d’accord, je choisis le massage !"
Darren revint jusqu’à elle, se laissant emprisonner dans ses bras plutôt que par la force invisible. En prenant le chemin de ses quartiers, il déconna une dernière en déclarant d’un air pompeux :
« Tu vois bien, c’est moi qui porte la culotte ! »
"Porte la culotte ?" demanda-t-elle sans comprendre.
« Dans un couple, il y a toujours un dominant et un dominé. Le terme “porter la culotte” désigne le dominant ! »
La fin de son explication s’accompagna d’un rude coup de poing sur sa poitrine. Il l’avait gonflé, fier comme un coq, se pavanant tout en cernant la taille de son amante. Quand il rencontra son regard, il hésita à s’empresser de lui dire que c’était une blague. Evidemment, Lyanna prit cette explication au premier degré. Elle fronça les sourcils.
"Mais c’est moi la dominante, entre nous deux !"
« Ah oui ? On verra si tu dis la même chose quand je me mettrai à chanter pendant ton massage ! »
"Ah non, tu ne chantes pas !"
« Dit-elle en acceptant son rôle de dominée. »
"Hé" lança-t-elle sur un ton faussement outrée, car elle ne pouvait pas berner le soldat.
Parce qu’il l’avait suffisamment taquiné, Darren écarta ses cheveux en chemin et lui déposa un baiser chargé de complicité dans le cou. Il lui rappela qu’il l’aimait, à croire qu’il vérifiait qu’elle ne l'avait pas oublié, puis il rejoignit ses quartiers pour lui offrir un de ces moments détente dont elle était friande. Un long massage de son corps, qui s’organisait d’abord par ses envies du moments, ses expérimentations, ses douceurs. Puis c’est elle qui réclamait les endroits qui méritaient de nouvelles attentions.
Que la soirée se finisse de manière plus active ou non, Darren comptait rester avec elle jusqu’au lendemain. Il se lèverait tôt, prendrait une douche, s’habillerait, et l’embrasserait avant de partir bosser. Bref, une vie de couple qui lui avait beaucoup manqué et dont la redondance avait quelque chose de très agréable. Parce que pendant ses patrouilles, pendant ses moments de pause, il s’occupait l’esprit en se demandant ce qu’il lui ferait découvrir. Darren avait déjà mémorisé trois noms de bûcherons pour acheter le bois de sa première clôture, celle qui délimiterait le terrain de sa future école pour filles sur le continent.
Malheureusement, au beau milieu de la nuit, un appel radio brisa ses rêveries. Le contact doux du corps nu de Lyanna se sépara de lui, ce qui lui provoqua un grognement de mécontentement. C’est pourtant elle qui parvenait à émerger plus facilement et qui récupérait son oreillette pour la lui tendre. Darren trouva la force de se redresser et s'asseoir sur le bord du lit.
//Oui ?......c’est moi, oui…..hm ? Maintenant ?....qui ?//
A la fin de l’appel radio, il se pencha au-dessus de l’Amazone et lui offrit le tendre baiser qu’il lui avait réservé avant son départ au boulot.
« Je file. Dors bien. » lui glissa-t-il avant de déposer un dernier baiser sur son front.
Il ramassa ses fringues, s’habilla dans le noir et se sauva en trimballant ses chaussures. Fatiguée, Lyanna se rendormit aussitôt.
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La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna
Le lendemain matin, Lyanna se réveilla, seule dans son lit. Elle regarda autour d’elle, mais Darren était absent. Le souvenir de son départ en pleine nuit lui revint en mémoire, et il n’était toujours pas revenu. Sur le coup, la jeune femme ne s’en formalisa pas. Après tout, son amant avait été appelé pour le travail, il devait être occupé. Bien qu’elle appréciait être dans son lit, elle consentit à contrecœur à se lever. Mais lorsqu’elle s’assit sur le bord du matelas, Lyanna commença à se sentir mal. Elle avait des hauts le cœur, et elle se demandait si elle ne devait pas courir vers les toilettes en cas d’accident. Victime de nausées, la guerrière respira profondément, mais cette désagréable sensation ne passa pas. Que lui arrivait il ?
Lyanna comprit enfin : elle payait pour sa gourmandise. Darren lui avait déjà dit plusieurs fois de ne pas abuser avec le chocolat, car elle pouvait avoir une crise de foie. Son corps réagissait mal à ce qu’elle avait mangé la veille, et elle en payait maintenant le prix. Toujours nauséeuse, la jeune femme se leva péniblement et alla prendre une douche. Puis, elle quitta ses quartiers et marcha dans les couloirs en tombant sur Teyla. Celle-ci l'entraîna vers le mess pour prendre le petit déjeuner. Mais si l’Athosienne prenait son habituel plateau comme chaque matin, ce ne fut pas le cas de la Kiranienne qui se contenta d’une simple bouteille d’eau. Rien d’autre ne pouvait passer. Lorsque Teyla s’interrogea sur cette absence de petit déjeuner, Lyanna lui expliqua avoir mal au ventre à cause du chocolat ingurgité la veille, ce qui fit sourire l’Athosienne. Celle-ci connaissait également la nouvelle passion de son amie.
Après le petit déjeuner, enfin le vidage de sa bouteille d’eau, Lyanna quitta le mess, laissant Teyla discuter avec son groupe d’exploration habituel, et partit à ses occupations. La matinée était déjà bien avancée, mais elle ne reçut aucune nouvelle de Darren. Cette absence commença à inquiéter Lyanna. Et la seule chose qu’elle fit pour tenter de se tranquilliser, bien qu’elle soit toujours un peu malade, ce fut de se diriger vers les quartiers du D4 pour voir s’il n’était pas là bas. Ou si un membre de son équipe avait de ses nouvelles.
Bien qu’elle n’y trouvait jamais un réel plaisir à part lors de ses sorties entre filles avec April, Lyanna connaissait maintenant le chemin pour s’y rendre. Souvent, elle dormait dans le lit drastiquement plus réduit de la chambre de Darren. Le dortoir militaire avait un confort plus spartiate que ses propres quartiers.
Elle savait qu’il aimait tout de même l’y retrouver en revenant d’une mission éprouvante. Lorsqu’il ouvrait sa chambre et qu’il y trouvait sa belle Amazone. La fois où elle lui en avait fait la surprise, il avait laissé tomber son gilet sur le sol avant de l’enlacer. Il avait été touché par l’attention. Ensuite, ils se partageaient le lit, serré l’un contre l’autre, et ils se racontaient leurs journées de travail respectif jusqu’à tomber raide mort de fatigue.
Darren essayait souvent de convaincre Lyanna d’accepter le D4. Notamment Max qui se donnait du mal pour se faire bien voir et Jim qui comprenait véritablement le conditionnement haineux de l’Amazone. Mais si Jim avait davantage une sorte de respect à distance de la part de la jeune femme, les choses étaient différentes avec Max. Car son comportement n’aidait pas du tout Lyanna à se détendre quand il était là. Certes, depuis leur mission en commun, la guerrière ne l’avait plus frappé, mais elle ne ressentait aucune joie d’être à ses côtés.
De fait, lorsque Lyanna passa sa main sur le connecteur, assurée qu’il y avait du monde en entendant de la musique, elle fut surprise bien trop rapidement par un projectile qu’il la frappa en plein visage. Le contact particulièrement moelleux rendait l’agression plus surprenante que violente. Le tout s’était accompagné de la voix nasillarde et très forte de Max.
« ALORS COMME CA ON FAIT LA MORTE ? » avait-il gueulé comme un putois.
Le projectile ? Un rouleau de papier toilette. Lyanna se frotta le nez, et se pencha pour ramasser l’objet, en fusillant Max du regard.
Ce dernier semblait avoir longuement attendu en embuscade, que le bruit de l’ouverture lui permette de jauger son tir pour surprendre complètement sa cible. Mais lorsqu’il se rendit compte que ce n’était pas la bonne brune qui avait pris la sauce et, qu’en plus, c’était celle qui le détestait : Max se plaqua deux mains sur la bouche comme un garnement pris en faute.
« Ah merde ! Désolé ! J’attendais quelqu’un d’autre ! »
Gêné, il sauta de la table sur laquelle il était perché et vint prendre au plus vite la munition que Lyanna lui tendait. Il fallait croire que faire disparaître la preuve gommerait l’acte en lui-même. Balançant le rouleau d’une main à l’autre, Max se montrait toutefois tellement inquiet qu’il n’avait pas l’air d’avoir peur de l’Amazone.
« Lyanna, tu n’as pas eu de nouvelles d’April ? On est tous inquiet là ! »
Si au début, la guerrière voulut s’en prendre à Max pour avoir osé l’attaquer, elle n’en fit rien, et secoua la tête. Pourquoi le militaire lui parlait d’April ? Elle était là pour Darren, pas pour April.
"Non, aucune. Moi, je cherche Darren".
« Quoi ? Lui aussi il est aux abonnés absents ?!? »
"Oui. Il est parti en pleine nuit, il ne m’a rien dit. Depuis, je ne sais pas pas où il est. Je pensais qu’il serait là".
Le jeune homme s’éloigna en lâchant une plainte douloureuse. Rester ici pour prévenir Jim, dans le cas du retour d’April, le rendait dingue.
« Lui aussi, on a voulu le prévenir. Je croyais qu’il était déjà parti à sa recherche. Oh...sérieux. Je devrais être quelque part, avec un bon P90, à chercher mon amie au lieu de végéter ici. »
Il secoua la tête. Puis une idée lumineuse, ou presque, brilla dans son regard.
« Hé ! » s’écria-t-il en revenant aussitôt sur l’Amazone, qui recula d’un pas comme si elle subissait une agression. « Tu as bien un endroit secret avec April, nan ? Un truc de nana ! Heu...un lieu pour les ongles ! Ou un coiffeur préféré ? Une vendeuse de fringue préférée ? Un endroit où on pourrait la chercher ?? »
"Heu ..."
Lyanna ne sut pas quoi répondre à Max. Un endroit où April aurait pu se cacher ? Elle ne voyait pas.
"Je ne sais pas. Oui, peut-être là où on achète nos vêtements, mais … elle l’aurait dit, non ? Quelqu’un a essayé de la contacter ?"
« On s’en fout, on essaie quand même. Je deviens dingue à ne rien... »
Soudain, il entendit le bruit caractéristique de l’ouverture de la porte du dortoir. Max sauta sur le rouleau de papier toilette avec une dextérité assez étonnante et l’envoya droit sur le prochain client. C’était Jim, qui s’attendait à l’assaut et réceptionna directement l’objet.
« Ce n’est que moi, Max. Navré. » fit-il en lui renvoyant le rouleau.
Max perdit pied. Ses épaules s’affaissèrent et il tomba sur le siège le plus proche.
« Je reviens du pôle administratif, c’est pire qu’on pensait. April n’est pas revenue de sa mission. »
Le visage de Max perdit ses couleurs. Lyanna écouta, les sourcils froncés, attendant d’en savoir plus. Elle aimait bien April, alors forcément, elle n’appréciait pas cette nouvelle.
« Merde, on doit y aller, on doit... »
« Ce n’est pas si simple, attends un instant. »
Le patriarche du D4 fit quelques pas vers l’Amazone.
« Bonjour Lyanna. Darren m’a demandé de vous tenir au courant mais je n’ai pas eu de réponse. Vous n’avez pas pris votre oreillette ? »
Par réflexe, Lyanna porta sa main à son oreille, mais n’y trouva rien. Elle se souvint alors l’avoir oublié. Sa nausée l’avait un peu déstabilisée, elle était partie de ses quartiers sans. Elle secoua la tête.
"Non, je l’ai oublié sur ma table de nuit. Qu’est ce qui se passe ?"
« Nos supérieurs ont envoyé Darren en renfort au cours de la nuit. Je l’ai appris récemment. Il devait trouver April et savoir pourquoi elle n’avait pas fait son rapport quotidien. »
Jim ouvrit sa veste. Il révéla avoir coincé un dossier à l’intérieur.
Il l’exposa sur la table, Max se pencha pour regarder mais il laissa la place à Lyanna. Celle-ci regarda le dossier, et se concentra pour lire les mots, essayant de comprendre le sens de ceux qui s’avéraient être difficiles, étant donné qu’il s’agissait d’un dossier militaire. Visiblement le sujet la concernait en priorité. Une photographie prise depuis un jumper laissait entrevoir la Porte des Étoiles très proche d’une plage peu accueillante. Un chemin taillé dans la roche grimpait jusqu’à un temple à l’aspect terne et vieilli. Le ciel était gris, comme un temps maussade d'automne. Tout au long des marches avaient été montées des tentes de fortunes dans un équilibre bancal. Des gens y vivaient dans des conditions déplorables.
« Le refuge de la Dame de Baie. C’est un endroit ouvert à toutes les femmes qui ont fui diverses menaces. Les Wraiths, la vie trop difficile, ou bien des sévices. C’est une société matriarcale qui a beaucoup de mal à accepter les hommes. »
« Merde, pas encore... » se plaignit Max, trouvant que le cas Lyanna était amplement suffisant.
Jim ne répondit pas. Quant à Lyanna, elle se contenta de lui lancer un regard assassin, avant de reporter son attention sur la photographie.
« April enquêtait sur des disparitions assez étranges. Elle donnait de ses nouvelles toutes les six heures. Sa mission se terminait cette nuit. »
Le patriarche du groupe fixa l’Amazone.
« Darren a appelé il y a vingt minutes, par l’intermédiaire de la Porte des Étoiles. Il se heurte au sexisme de la population locale, il a besoin de nous. »
Il marqua une pause avant de préciser quel était le hic.
« Ca impose que je vous fasse le briefing ici et maintenant. Et que l’on fasse équipe tous ensemble. En évitant les heurts de l’an dernier. Pour April, vous jouerez le jeu ? »
Une question difficile pour Lyanna qui n’avait pas fait équipe avec le D4 depuis leur seule et unique mission, où ça s’était très mal passé entre Max et elle. La jeune femme réfléchit, et jeta un bref regard vers le jeune militaire. Sur le coup, elle aurait voulu refuser. Mais si elle refusait, elle ne pourrait pas aller rejoindre Darren, et essayer de retrouver April. Et puis, si elle acceptait de rejoindre le D4, cela ferait sûrement plaisir à son amant, non ? Lui qui voulait qu’elle s’intègre avec des mâles. Lyanna se mordit la lèvre, avant de soupirer discrètement. Puis, ravalant difficilement sa fierté, mais par nécessité, elle acquiesça d’un petit hochement de tête pour Jim.
Jim Holman tourna la photographie. Il y en avait d’autres en-dessous. Une fois que l’on grimpait toutes les marches, un bidonville de tente de fortune s’étalait jusqu’à l’entrée du temple. D’autres clichés représentaient sans mal la pauvreté et la misère qui y régnait. Des femmes aux regards tristes, des enfants squelettiques, des vieilles dames sur le seuil de l’inanition. Les autres clichés représentaient l’entrée du temple, là où on les triait par catégorie, par leur capacité de travail, et où l’on faisait l’inventaire du peu de bien que les réfugiées transportaient.
« Le refuge est un ancien autel religieux abandonné par une civilisation inconnue. Les informations qui suivent ont été recueillies par April, nous pouvons donc nous y fier, elle a toujours été sérieuse dans sa prise de notes. Son enquête a confirmé que la planète n’a pas été sélectionnée pour son côté paradisiaque. Au contraire, il est hostile, la vie est difficile et la mortalité élevée. Mais quelque chose sur cette planète empêche l’arrivée des Wraiths. »
Il bascula de nouveau sur le premier cliché.
« La Porte finit sous la mer la moitié de la journée, durant la haute marée. Pour le reste, nous savons simplement qu’aucune sélection en orbite n’a jamais eu lieu. Les réfugiées préfèrent combattre le mauvais temps plutôt que les Wraiths. Là-bas... »
Jim plaça le dernier cliché.
« Il y a cette vieille dame. Nataëlle, la doyenne du site. C’est elle qui a autorisé le passage d’April de l’autre côté. Et c’est elle qui refuse l’accès à Darren. L’objectif d’origine de la mission d’April consistait à résoudre les problèmes que connaissait ce refuge. Estimer si nous pouvions y envoyer des réfugiées. »
Il se tourna d’un quart vers Lyanna.
« Atlantis a plusieurs accords pour envoyer des populations errantes sur des mondes refuges. Mais les sociétés matriarcales comme la vôtre sont rares, je parle de celles qui ne tolèrent pas le genre masculin. Si April réussissait sa mission, Atlantis avait une ouverture avec le refuge de la Dame de Baie. »
Il referma son dossier et le tendit directement à l’Amazone.
« Nos ordres sont clairs. Nous devons retrouver et ramener April. Mais en restant dans les clous en termes de diplomatie. Votre histoire, Lyanna, elle vous désigne particulièrement pour nous aider auprès des autochtones. Je ne vous demanderai jamais de nous défendre et de leur faire changer de point de vue. Mais si April est menacée, vous devez tout mettre en œuvre pour nous permettre de la rejoindre. Vous comprenez ? »
Lyanna prit le dossier, et le rouvrit pour regarder à nouveau les photographies, ainsi que celle de Nataëlle pour graver son visage dans sa mémoire. De ce qu’elle comprenait, c’était une mission importante, et beaucoup de choses reposaient sur ses épaules. L’idée de venir sur la planète en faisant passer les mâles qui l’accompagnaient pour ses esclaves lui passa par la tête. Mais quelque chose lui soufflait à l’oreille que cette idée ne serait pas du goût de Darren, ni de Jim et ni de Max. Dommage, pour une fois qu’elle aurait pu faire comme sur Kirana. La jeune femme réfléchit quelques secondes, cherchant comment mener cette importante mission à bien. Mais pour Darren et April, elle devait essayer. Lyanna referma le dossier, impatiente de se rendre sur place.
"On part quand ?"
« Dans une demi-heure. »
Son prochain ordre s’adressait à eux deux.
« Ne lésinez pas sur l’équipement. April n’est clairement pas du genre à se faire surprendre. Ce qui l’a réduit au silence est soit solide, soit malin, soit les deux. »
Il retourna sur le cas de Lyanna.
« Et ne vous vexez pas si je vous conseille la tenue d’exploration avec gilet de protection. Pour votre sécurité. »
Lyanna soupira à l’idée ne pas pouvoir se vêtir comme elle voulait. Mais Jim avait hélas raison. Et puis, vu les photographies, la jeune femme aurait sûrement froid si elle y allait en jupe et haut court. Quelle horreur de mettre le pantalon de mâle, mais elle n’avait pas le choix.
"Darren préfère que je mette tout le temps cette tenue quand je pars en mission. Je crois que je n’ai pas trop le choix" lança-t-elle sur un ton résigné.
« Vu le temps là-bas, je pense que ça vous gênera davantage quand Darren vous obligera à enfiler son pantalon de rechange. » rétorqua Jim avec un brin d’humour.
La jeune femme se dirigea vers la porte, puis elle quitta les quartiers du D4 pour aller d’abord dans ses quartiers. Elle y enfila le pantalon, les rangers, le tee shirt et la veste d’exploration Atlante. Pour son plus grand déplaisir. Elle n’oublia pas de prendre également son oreillette qui trainait sur la table de nuit. Lyanna partit ensuite à l’infirmerie afin d’avoir un traitement contre ses nausées. Elle ne voulait pas avoir mal au ventre toute la journée. La guérisseuse qui la reçut lui donna quelques comprimés qu’elle prit immédiatement, mais elle voulut faire un check up vu que la guerrière partait en mission. D’après ses dires, sa tension était bonne, mais elle avait pris un peu de poids, et cela commençait à se voir légèrement au niveau du ventre. Rien de bien méchant, mais les sucreries que Lyanna mangeait souvent sur la cité y étaient pour quelque chose. D’où ses maux de ventre liés certainement à une indigestion au chocolat. Pour le plus grand déplaisir de Lyanna, celle-ci devait freiner sa gourmandise. Elle eut également le droit à une prise de sang pour un bilan sanguin, puis elle fut autorisée à partir en mission. L’air renfrogné à cause de cette mauvaise nouvelle concernant le chocolat, la jeune femme se dirigea vers l’armurerie.
Elle enfila son gilet tactique, le sien rien qu’à elle, doté des fourreaux et des épées dans le dos, ainsi que du couteau à sa ceinture. Heureusement qu’elle avait l’habitude de porter cet attirail dans le camp d’Ishta, la jeune femme s’y faisait peu à peu, même si sa tenue habituelle lui manquait. Comme Darren avait réussi à la convaincre, elle se dota d’un holster de cuisse avec un pistolet 9 mm et deux chargeurs, dont un déjà engagé. Son amant avait essayé de lui donner quelques cours, mais Lyanna n’était pas très douée avec cette arme. Si elle pouvait éviter de l’utiliser, elle le ferait. Dans ses poches, elle y glissa une gourde remplie d’eau, une lampe torche, quelques barres de céréales, et même deux barres au chocolat, malgré les dires de la guérisseuse, bien que les voir ravivait ses nausées. Un PDA, une ration de survie glissée tant bien que mal, un GDO. Et son dernier calvaire : la mise en place des lentilles de vision nocturnes. Pensant avoir le nécessaire, Lyanna quitta l’armurerie, équipée, et se dirigea vers la salle d’embarquement, presque en retard. Au moins, les cachets commencèrent à calmer ses nausées. Elle retrouva Jim et Max, tous deux prêts à partir.
Au centre la salle d’embarquement, Jim était presque méconnaissable avec sa tenue intégrale et son casque militaire. Il portait un fusil de précision pour arme principale. Dans son dos, il était équipé d’un sac plutôt lourd et un lanceur de grenade M79. Max, de son côté, était agenouillé. Il finissait de caser un kit de secours dans son sac à dos. Il ajusta les bretelles puis enfila la lanière de son fusil d’assaut. En arme de réserve, c’était un fusil à pompe benelli. Les deux hommes semblaient s’être préparés pour la guerre, c’est leur angoisse pour la santé d’April qui les tracassait. Ils préféraient être trop bien armés que pas assez.
« Hé, Lyanna... »
Max fit des petits bonds pour ajuster son sac. Il retira deux grenades qui garnissaient la panoplie sur son gilet et les tendit.
« Je savais que tu ne prendrais rien. Celui avec la bande blanche, c’est un flash bang, ça perturbe les sens. L’autre, avec la bande violette, c’est du lacrymogène, ça fait pleurer. »
Il haussa des sourcils, agitant les deux grenades pour l’inviter à les prendre.
« Si la populace te saute dessus, tu seras bien contente de les avoir pour te sauver. Non ? »
Lyanna regarda les deux objets, puis elle en prit une dans chaque main. Bien évidemment, elle ne remercia pas Max. Mais elle se contenta d’un simple et léger hochement de tête. Il ne fallait pas trop lui en demander non plus. De son côté, Jim fit un signe de main aux opérateurs. La Porte se mit en branle.
« Vous avez tout ce qu’il vous faut ? » s’assura Jim, indépendamment de Max.
"Je crois" dit la guerrière en glissant une grenade dans chaque poche de son gilet.
« En cas d’agression, on adopte une formation standard. Un tir de sommation pour les retenir, ensuite on dégrossit les rangs à distance. Ce qui parvient à nous atteindre, ce sera pour vos épées. »
Il acquiesça.
« Je suppose que la tactique vous est très familière avec Darren. »
"Oui, très familière".
Lyanna sortit ses épées pour les avoir en main, au cas où. Elle voyait très bien ce dont parlait Jim. Darren et elle se battait en parfaite osmose, lui à distance, elle au corps à corps, se protégeant l’un l’autre. Une tactique qu’elle avait apprise il y a très longtemps, quand elle avait apprit à se battre sur sa planète.
"On faisait ça aussi, quand on partait en guerre. J’affaiblissais les rangs ennemis avec les archères. Puis, les ennemis trop proches étaient éliminés par les lances et les épées. Faire le plus de dégâts possible en veillant les unes sur les autres, comme ce que je fais avec Darren".
« Alors ne changez rien surtout. »
Jim se tourna en direction de la Porte des Etoiles, elle était sur le point de s’ouvrir. Max rejoignit sa figure patriarcale, il tournait alors le dos à Lyanna. Il s’estimait discret en se penchant légèrement de côté et en partageant son avis :
« Elle m’a fait un signe de tête, t’as vu ? Ça veut dire merci, ça ! Elle m’a remercié ! »
Lyanna entendit la remarque de Max, et elle soupira en levant les yeux au ciel, consternée par le jeune militaire. La vague soudaine de l’activation restait toujours impressionnante. Jim lui tapota l’épaule pour signaler le début de la mission. Max épaula son arme et passa immédiatement l’horizon des événements. En mode soldat, il n’hésitait pas pour partir à la recherche de son amie.
Ensuite, Jim se tourna vers l’Amazone. Il n’aurait pas pris la liberté de lui tapoter l’épaule de la même façon mais il comptait fermer la marche. En revanche, son regard tomba sur un très léger détail qui lui avait échappé jusqu’ici. A vrai dire, il fallait vraiment avoir les yeux dessus pour le remarquer. Un morceau de métal dépassait tout juste de la limite de sa manche, il lui semblait que c’était un bijou.
« Ce n’est pas le GDO. » dit-il en pointant l’objet, abordant de cette façon le sujet.
Lyanna fronça les sourcils en suivant le regard de Jim. Elle leva la main.
"Non, c’est le bracelet que Darren m’a offert. Mon … machin truc, il est là" dit-elle en sortant le GDO d’une poche de son gilet tactique.
« Vous prenez conscience que si vous passez la Porte, ce bracelet peut se perdre. » fit-il dans une affirmation. « Si ce bijou vous est très cher, vous devriez y songer. Bien que ça ne soit pas mes affaires. »
Il voyait bien que Lyanna n’allait pas se précipiter dans l’horizon des événements. Probablement une habitude de son ancienne vie : ne pas avoir de mâle dans son dos.
Il lui sourit aimablement sur ce dernier conseil avant de s’engager à son tour dans l’anneau.
Alors que le soldat disparaissait à travers la Porte des Etoiles, le regard de Lyanna se posa sur le bracelet. D’un côté, il avait raison, elle ne voulait pas perdre cet objet. De l’autre côté, de quoi il se mêlait ? Elle avait du mal à se séparer d’un objet qui la reliait à Darren. La jeune femme soupira, ignorant quoi faire. Elle s’en voudrait beaucoup si elle le perdait en mission. Dans son champ de vision, elle vit Teyla qui la regardait depuis un moment, ayant appris que son amie partait en mission avec des mâles. Lyanna se mordit la lèvre, avant de s’approcher de l’Athosienne, et de lui confier le précieux bracelet, à contre coeur. Puis, sans un mot, elle prit la direction de la Porte et traversa l’horizon des événements, ses épées en mains.
Le refuge de la Dame de Baie était encore plus maussade dans la réalité qu’en photo. Dès que Lyanna émergea de l’autre côté de la porte, une violente bourrasque de vent l’accueillit d’une gifle sévère. L’eau de la mer agitée accompagnait l’agression d’écume et de sel dont la charge restait désagréable à l’odeur. La première chose que la jeune femme fit de frissonner de froid. Cela lui faisait mal de l’admettre, mais heureusement qu’elle avait enfilé cette tenue. La plage n’avait rien de comparable au sable fin, c’était presque un marais à vrai dire. La marée montait déjà bien au-delà de la Porte, les obligeant à patauger dans la vase. Remontant la fermeture éclaire de sa veste et de son gilet jusqu’en haut, Lyanna suivit les deux mâles, marchant difficilement dans la vase qui engloutissait presque la moitié de ses rangers. S’ils devaient courir, ils allaient avoir des problèmes. Max en éclaireur continuait sa progression, il était protégé par le fusil de précision de Jim qui ciblait les hauteurs. On y percevait malgré la distance une muraille de corps humains minuscules, à peine perceptible sur la ligne de crête. Mais il semblait qu’une armée de réfugiées les guettaient depuis l’activation de la Porte, comme s’ils étaient une attraction vivante. Une ou deux courageuses pensèrent même à faire un salut de la main.
Cinquante mètres plus loin, là où débutait l’escalier taillé dans la roche comme un sentier de chèvre, Darren les attendait. Un sourire se dessina sur les lèvres de Lyanna, rassurée de voir que son amant allait bien. Le fait que le soldat soit là assurait l’absence de menace immédiate, Jim et Max baissèrent leurs armes par habitude, conservant un œil prudent aux alentours. La guerrière en profita pour rengainer ses lames, mais elle resta sur ses gardes. Darren commença par accueillir Max d’une accolade, puis il serra la main de Jim d’un air reconnaissant. L’anxiété semblait l’avoir épuisé de manière prématurée, comme si l’endroit l’avait vidé d’une part son énergie vitale.
Il faisait sombre, mauvais temps.
Il semblait que l’averse allait s’abattre à tout instant mais ça ne venait jamais.
« Content de vous voir les gars. » s’exclama le militaire. Il bourra le casque de Max et sourit. « J’ai galéré à récupérer les notes d’April, j’en ai lu une ou deux pages en vous attendant. »
« Quelque chose d’intéressant ? »
Darren s’apprêtait à lui répondre lorsque la silhouette de sa femme attira son attention. Il savait qu’elle viendrait puisqu’il l’avait appelée. Mais à vrai dire, il ne l’avait plus vu dans un uniforme depuis bien longtemps. Et comme tout le monde le savait, l’uniforme chez une femme, surtout la sienne, ça lui faisait de l’effet. Le moment était bien mal choisi mais ça ne l’empêchait pas d’être surpris par l’effort consenti par Lyanna. Complètement vêtue d’une tenue d’exploration, d’un gilet tactique et d’armes supplémentaires. Elle avait pris sa demande d’aide au sérieux et il était vraiment ravi de la voir là, avec ses équipiers du D4. Il remarquait que Max n’arborait pas un oeil au beurre noir et que Jim ne l’avait pas renvoyé d’emblée. Il ressentait donc un véritable plaisir à cette découverte, de la même façon qu’en ayant déballé un cadeau qu’elle lui aurait offert.
« Salut, heu.... »
Il semblait gêné. Jim le regarda rapidement d’un coup d'œil et répondit à son malaise.
« Je ne suis pas officier, Darren. »
Le concerné acquiesça, connaissant maintenant la ligne plus permissive. Il s’approcha à grandes enjambées de sa compagne, à cause de cette marée désagréable, et la prit rapidement dans ses bras. Lyanna serra son étreinte, profitant de sa présence.
« Désolé pour le manque de nouvelles. » lui dit-il sincèrement avant de lui claquer un baiser sur les lèvres. Le geste avait été expéditif, ils étaient en groupe et en mission. Darren essayait de trouver un juste milieu. La jeune femme ne lui en tint par rigueur, et relâcha son étreinte pour se tenir près du soldat.
« Lyanna aura besoin des notes d’April plus que nous. Ça lui donnera une base solide pour convaincre Nataëlle. »
Darren était d’accord. Il ouvrit sa veste puis plaça un bloc note couvert de rature et d’un long pavé indigeste dans le gilet de son amante. Sur la couverture, April avait dessiné le stéréotype de son visage avec un énorme cigare et une cicatrice virile à l'œil. On aurait dit son emblème qu’elle n’avait plus de mal à dessiner à force de le reproduire.
« Je n’en ai lu qu’une petite fraction. Son bloc note est presque complet. Elle n’a pas chômé. »
Il referma la fermeture éclair du gilet de Lyanna jusqu’au bout comme pour se garantir qu’elle n’aurait pas froid. Visiblement, la lecture serait pour plus tard.
« Apparemment, elle a eu du mal à aller plus loin une fois de l’autre côté. La misère ne se limite pas qu’à l’entrée, tout se monnaye en services. »
« Ça va grandement nous ralentir. »
« Ouais. Mais maintenant on sait pourquoi elle voulait un délai en plus. Si elle devait faire la bonniche pour ces gens, son enquête a dû traîner en longueur. Par contre, elle aura laissé encore plus de traces. »
« Je suis d’accord avec Max. On devrait monter par contre. La Porte sera très vite sous l’eau et nous avec. »
A ces mots, Lyanna jeta un œil en direction de l’océan, d’où elle put voir les vagues encore éloignées. Mais la marée était en train de monter. Jim fit un signe de menton. Le jeune militaire prit la tête, ne plaçant pas son arme en joue cette fois. Il testa de sa botte la marche ridiculement petite et glissante avant de débuter son ascension. Naturellement, Darren s’était placé à côté de Lyanna.
« J’y pense ! Ne distribuez pas vos barres une fois en haut. J’ai commis l’erreur d’en sortir une pour soulager l’affamée qui me faisait face, je me suis fait dépouiller trois minutes plus tard par un gang de fillettes. C’est réellement dangereux de se balader avec de la nourriture dans le coin. »
Il pointa la crête noire de monde.
« D’ailleurs, leurs copines nous attendent de pied ferme. »
« T’en fais pas, je vais combler leur appétit avec deux ou trois sourires. Ça marchera du feu de Dieu, pas vrai Lyanna ? » fit-il sur le ton de la blague.
Lyanna soupira discrètement. Décidément, Max était encore plus désespérant que Darren.
"Si tu le dis" dit elle simplement, préférant garder une certaine distance avec le jeune soldat.
Le pied de Max ripa et il s’interrompit un instant avant de reprendre la progression. Lyanna secoua la tête en prenant un air consterné. Heureusement, les marches s’agrandissaient au fur et à mesure. Ils allaient bientôt croiser les premières tentes.
« Tu sais pourquoi la foule s’accumule à l’entrée ? Les places sont chères ? » fît Jim.
« Je crois que c’est un des mystères qu’April essayait de résoudre pour Atlantis. La doyenne ne les fait passer qu’au compte-goutte. La réponse est peut-être quelque part dans ses notes. »
Il se pencha vers l’Amazone, maintenant qu’il n’y avait manifestement plus de questions, et lui parla à voix basse.
« J’apprécie tes efforts, mon amour. Je ne suis pas naïf, tu le fais à contrecoeur mais...ça me touche vraiment. »
Lyanna sourit aux paroles de Darren, et elle ne put s’empêcher de prendre discrètement sa main, tant qu’elle le pouvait encore.
"Tu as vu, je n’ai pas encore frappé Max. Bien qu’il m’ait attaqué avec un rouleau de papier toilette. Je me suis retenue même si j’en avais envie".
La jeune femme se mordit la lèvre, et regarda devant elle, à mesure qu’ils approchaient des premières tentes. Darren se demanda silencieusement ce qui avait pu conduire son partenaire à attaquer Lyanna à coup de papier toilette. Il était amusé que l’Amazone vienne détailler l’affaire pour lui rappeler combien elle faisait des efforts.
"J’ai emmené deux barres de chocolat, mais je te les donnerais. J’ai mal au ventre depuis ce matin, j’ai envie de vomir. Je crois que j’ai mangé trop de chocolat hier" dit-elle sur un ton plaintif, comme une enfant qui venait de se faire prendre en train de faire une bêtise.
« C’était une étape obligatoire. » nota le soldat tout en souriant. « C’est comme ça qu’on apprend à limiter sa gourmandise. »
Sur le coup, il ne trouvait pas qu’elle s’était autant goinfrée que ça. Elle avait toujours cette petite gourmandise et le vice de piocher dans n’importe quel paquet de chocolat à sa portée mais elle n’avait jamais abusé jusqu’à s’en rendre malade. Pas jusqu’à présent. Darren se demandait alors si elle n’avait pas trouvé un moyen de dévorer quelques barres chocolatées avant leur aventure en cuisine. Lyanna secoua la tête.
"C’est ce que la guérisseuse m’a dit, avant que je vienne ici. Elle m’a donné des cachets pour calmer les nausées, ça commence à faire effet. Mais elle a dit que j’avais pris un peu de poids, et que je devais diminuer le chocolat" raconta la jeune femme, en soupirant. "C’est trop dur. Mais là, je n’ai pas envie d’en manger !"
Clive ne put s'empêcher de rire.
« Je ne suis pas inquiet. Dès que tu allais voir apparaître des petites rondeurs et un début de bourrelet sur ton ventre plat, tu aurais fondu un boulon. Du genre je ne te vois plus pendant deux mois sauf à la salle de sport, limite à dormir dedans. » s’amusa-t-il.
Il posa deux doigts sur son ventre, un peu à hauteur de son nombril.
« Les dames détestent voir cette partie là bouger. »
"C’est normal. Un ventre rond et gros, c’est laid. Et ce n’est pas pratique pour bouger et se battre !"
Le soldat serra les dents pour ne pas éclater de rire. Il était en mission, il fallait rester sérieux. Mais c’était difficile à ce moment-là. Lyanna ne devinait probablement pas que le sujet était plutôt mal vu chez les Atlantes. Ce qu’il lui avait dit, chez une autre, aurait été mal pris. La femme se serait sentie offensée, un brin vexée, tandis que Lyanna assumait complétement le fait qu’elle trouvait l’embonpoint hors sujet. Surtout pour casser quelques gueules.
Pendant l’ascension, à présent que les marches se faisaient plus larges, l’unité rencontrait les premières tentes de fortune. Il était évident que les réfugiées qui s’étaient installées là y avaient été contraintes. Les appuis des tentes étaient hasardeux, bancals, et il semblait que chaque coup de vent manquait de tout faire basculer dans le vide. Un coup d'œil en bas révélait que la mer frappait la paroi rocheuse avec un appétit morbide. La marée était plus rapide qu’on ne pouvait l’estimer. Et la hauteur était assez effrayante. Une chute, c’était la mort assurée.
Darren se pencha légèrement pour observer l’intérieur d’une tente. Il s’agissait d’une simple peau de bête écaillée et percée de trous. Deux vulgaires morceaux de bois servaient de charpente et on trouvait à l’intérieur une quadragénaire uniquement vêtue d’un pagne. La crasse la recouvrait au point qu’il était impossible de dissocier le vêtement de sa nudité. Quant à ses cheveux, ils formaient des plaques et des croûtes éparses.
La réfugiée toisa Darren d’un air mauvais et siffla comme un animal. Elle remarqua qu’il tenait quelqu’un par la main, qu’il s’agissait d’une femme, et Lyanna récolta immédiatement de la même menace. D’un coup de main rageux, la réfugiée ferma le pan resté ouvert de sa tente de fortune. Une bourrasque de vent fit tomber les deux morceaux de bois et la peau recouvrit la femme, la faisant s’agiter dans d’étranges raclements de gorge.
« Quand on sera là-haut... » amorça Jim, également témoin de la scène. « ...vous limiterez vos gestes d’attachements, d’accord ? »
Darren acquiesça et relâcha la main de son amante.
« Le boulot de Lyanna n’est déjà pas facile. Il se compliquera davantage en laissant deviner votre liaison. »
eden memories

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna
Lyanna garda le silence, consentant à ne pas montrer d’attachement à Darren tant qu’elle était ici. En regardant autour d’elle, la jeune femme put constater la misère des réfugiées de tout âge, et cela lui fit mal au coeur de voir ça. Il s’agissait de femmes dans la tourmente, cela ne pouvait que toucher la guerrière qu’elle était. Lyanna suivit le groupe, marchant non loin de Darren, jusqu’à arriver en haut de l’escalier.
Au fil du sentier, les tentes se multiplièrent. La sécurité n’était pas vrai au goût de ces dernières et il fallait pratiquement les enjamber pour pouvoir passer. D’étranges mouettes locales planaient non loin grâce au vent. Parfois, des femmes plus énergiques tentaient de jeter des cordes à noeuds coulant pour les attraper. Mais aucune n’y parvenait, le vent rabattait les cordes bien avant qu’elles ne puissent atteindre les oiseaux. D’ailleurs, ceux-ci n’avaient qu’à bouger une aile pour monter ou descendre d’altitude. C’était mission impossible, seul le désespoir les guidait à une chasse si peu productive.
« Attention Max, ça glisse vachement par ici. »
Le jeune soldat s’immobilisa devant une série de marches faisant un virage en épingle. Une étrange texture très malodorante avait coulé tout le long de la paroi et s’était accumulée sur ces marches avant de déborder et descendre plus bas. Il leva le nez pour essayer de découvrir ce que pouvait être la source de cette infection.
« Me souvient que cette odeur là, je l’avais sentie chez un fermier qui faisait son lisier avec de la merde de vache... »
« Ce n’est pas un troupeau de bovins, là-haut. »
La remarque de Darren suffit pour que Max découvre enfin de quoi il s’agissait. Les latrines de réfugiées s’écoulaient le long de la paroi jusqu’ici. Des déjections et de l’urine de tout un bidonville qui suintaient et macéraient. Max poussa une plainte en se reculant légèrement.
« Je parie que ça empire une fois là-haut... »
« Une véritable infection, oui. »
« Sortez les clopes. »
Darren s'exécuta en même temps que le reste de l’équipe. Il ouvrit une des poches de son gilet tactique puis récupéra son paquet de cigarette.
Sous le regard intrigué de son amante, il coupa une clope en deux qu’il s’enfila dans les narines. Puis il lui expliqua, coupant une nouvelle cigarette à son intention :
« Vaut mieux la puanteur du tabac que celle qui règne là-haut. On les retirera une fois au temple. »
Darren lui tendit les deux morceaux coupés. En lui offrant un petit sourire complice, ses deux narines fourrées de tabac s’écartèrent en lui donnant un air complétement idiot. C’est probablement ce qui l’attendait également. Dans son dos, Max et Jim venaient de reprendre l’ascension encore plus lentement. Ils forçaient volontairement sur leurs pieds pour tester l’appui avant de monter une marche après l’autre. Pendant ce temps, Lyanna fit la même chose que les trois mâles, mais elle fit aussitôt la grimace.
"Ca sent mauvais, ce truc !"
Lyanna n’avait jamais apprécié l’odeur du tabac, et elle était reconnaissante que Darren ne fume jamais à côté d’elle, pour ne pas l’importuner avec ça. Cependant, la jeune femme savait que l’odeur qui les entourait était pire, et elle dut consentir à accepter de respirer l’odeur du tabac. Elle passa ensuite devant son compagnon, continuant l’ascension en faisant attention à ne pas glisser sur les marches humides.
La récompense pour une telle ascension était un spectacle de désolation effrayant. Le temple refuge était encore plus grand et majestueux une fois que l’on se tenait devant. Il semblait surplomber ces manants avec un réel mépris, comme si la structure était chargée d’une conscience qui écrasait ces cloportes par sa simple stature. La pierre avait vieilli, le temps avait rendu l’aspect de ce lieu terne et sans saveur. Mais il n’en restait pas moins impressionnant.
Quelqu’un qui échappait à sa vie, ainsi que les Wraiths, n’avait encore rien accompli une fois parvenu en haut du chemin. La route qui allait jusqu’au temple serpentait au travers d’un bidonville très dense, comme si la pierre elle-même était vue comme sacrée. La route, c’était exactement le seul espace laissé libre par les refugiées. Partout ailleurs, il s'étalait un réseau de tentes et d’abris de fortune, abîmé par le temps, recouvert par la crasse.
Ils collaient bien trop près, n’autorisant ici et là que des petits chemins qu’il fallait emprunter de profil, en rentrant le ventre.
C’en était au point que le bidonville débordait dangereusement jusqu’au bord du ravin, comme si chaque centimètres avait été mis à profit pour l’habitat.
Il était maintenant clair que les déjections du bidonville n’étaient aucunement contrôlées. La terre était terriblement souillée, saturée par cette accumulation dangereuse de population dans le besoin. Cela signifiait que toutes ces femmes pataugeaient dans leurs propres fluides. La puanteur était telle que les cigarettes n’offraient qu’un maigre réconfort. S’il y avait des soignants dans le coin, personne n’en voyait la couleur.
A en entendre les raclements de gorge, les râles et les toux sèches, la maladie comme la famine faisaient le quotidien de ces gens. Et pourtant, malgré cette situation intenable, les femmes continuaient de faire le siège de ce temple. Lyanna voyait diverses réfugiées, dans des états pitoyables, et à tout âge. Certaines étaient à l’agonie, d’autres se tenaient encore bien droit. Mais leur volonté était à l’image du ciel.
- Exemple:
Le refuge de la Dame de Baie demeurait impassible face à tant de misère. Ses lourdes portes en bois étaient résolument fermées et ne réagissaient pas aux suppliques des femmes qui se pressaient contre les murs. Elles y déposaient devant leurs bébés mourants, leurs petites filles, suppliant de les prendre elles, quitte à y laisser la vie. Mais les fameuses portes restaient closes. Lyanna soupira en regardant autour d’elle, frappée par le contraste entre le bâtiment imposant et la misère humaine qui se trouvait devant les portes fermées.
"Comment peut on appeler cet endroit un refuge ?"
« Il se trouve après le temple. Ici, c’est une zone d’attente. » lui expliqua Darren.
Les scènes se multipliaient partout ailleurs. Tandis qu’un groupe de fillettes, tant couvertes de crasses qu’elles ressemblaient à des garçons, se jetaient sur Max et Jim : Lyanna perçut un attroupement derrière une série de tente. Des femmes priaient devant une prêcheuse. Cette religieuse était clairement un imposteur. Il était évident que le temple n’envoyait pas son personnel aussi profondément dans le bidonville. Peut-être que cette femme espérait être admise pour ses bons et loyaux services ?
Les filles continuaient de se ruer vers les explorateurs. Les retardataires sautaient par-dessus les tentes, renversant les abris de fortune, n’hésitant pas à marcher sur les corps de celles tombées par l’épuisement. Les quatre qui sautèrent sur Lyanna tentèrent d’ouvrir ses poches en criant dans un mélange de plusieurs langues inconnues, se fichant bien de son avis. La jeune femme n’avait pas l’habitude d’être malmenée de la sorte par des fillettes, mais elle parvint tant bien que mal à protéger les poches de son gilet tout en les repoussant et en les gardant à distance. Comme les autres, elle encaissa les coups des gamines, et posa sa main sur la garde de son couteau au cas où la situation dégénère vraiment. La situation devenait même dangereuse, ces filles distribuèrent immédiatement des gifles en reprochant leur défense. Elles n’acceptaient pas de ne pas accéder directement, et les premières, aux contenus de ces poches.
« Max ! » gueula Jim d’une voix forte.
Il reçut une baffe qui cingla très fort dans l’air et l’encaissa sans broncher. Il tenait une fille qu’il avait retourné de dos contre lui, s’en servant comme bouclier. Hélas pour Darren, trois d’entres elles l’avaient reconnu pour avoir donné des barres de céréales. Elles parvinrent à le faire tomber au sol, ce fut la porte ouverte aux coups de pied. Voyant cela, Lyanna s’approcha de lui comme elle put pour repousser les assaillantes.
« Deux secondes, j’y suis presque... » fit le concerné, qui venait de glisser deux cachets étranges dans sa bouche.
Les agresseurs se départageaient les membres de l’équipe, tentant chacun leur chance. C'était à celle qui parviendrait à arracher la nourriture la première et à fuir avant qu’elle ne soit rattrapée. Jim aurait pu donner l’ordre de jeter des barres céréales au loin pour écarter cette nuisance mais ce n’était pas vraiment une solution. Les filles ne reviendraient que plus motivées encore.
« BEUHHHHHHAAAAAAAAAAA !!!!! »
La soudaine réaction de Max fit crier les filles qui l’entouraient. Un cri strident, d’horreur, qui n’avait rien d’une imitation. Elles sursautèrent brutalement et se reculèrent, l’observant d’un air ahuri avant de partir, les jambes à leurs cous. Quand le gamin de la bande se retourna vers le reste de son équipe, il fixa d’un air gourmand les autres gamines. Il se tenait voûté, les mains en avant, les doigts crochus comme s’il avait des griffes.
Les cachets qu’il avait glissé dans sa bouche, au contact de sa salive, lui faisait suinter une épaisse mousse verdâtre. Dans une autre situation, en le voyant comme ça, les yeux presque injectés de sang et en louchant, il aurait pu faire rire l’assemblée. Parce que tout le monde savait que c’était une blague.
Mais parmi celles qui tentaient de leur arracher leurs biens, elles se retrouvaient confrontées à un inconnu qui semblait vecteur d’une odieuse maladie. Lyanna pouvait reconnaître un stéréotype très fort d’un film d’horreur, avec le grand méchant mi-bête, mi-humain. Il courut sur la bande de filles, la majorité détala dans un hurlement paniqué. Il s’empara du bras de celle qui croyait faire mal à Darren de ses brefs coups de pied et approcha son épaule de sa bouche pleine de pâte verte.
« AAAAAAAAAAAHHHHHHH !!!!! »
La fille hurla à pleins poumons et détala à son tour, les mains sur la tête, comme si elle craignait de recevoir la foudre. Max fit un dernier tour d’horizon en grognant comme une bête jusqu’à ce que l’environ soit vide de ces rapaces. Pendant ce temps, Darren s’était redressé et s’époussetait, un sourire sur les lèvres. C’est visiblement ce qu’il avait attendu.
« BAAAAAAAAAAHHHHAHAHAHA !!!!! »
Le dernier cri de Max devint un rire franc et personnel. Il était bien content d’avoir foutu la pétoche à cette bande de voraces. Il revint auprès de son groupe en s’essuyant la bouche d’un revers de main et crachant régulièrement au sol.
« Ahhh, c’est toujours aussi dégueu le cachet. »
« Bien joué, Max, comme d’habitude. »
« Héhéhé, à ton service sergent. Dommage qu’April ne soit pas là, elle aimait bien le faire avec moi... »
Et pendant ce temps, Darren se pencha vers son amante pour lui dire avec complicité.
« Merci d’avoir volé à mon secours. »
"Je me retenais de leur en coller une, même si c’était des filles !"
Lyanna regarda Darren comme pour s’assurer qu’il allait bien. Puis, elle posa ses yeux sur Max qui s’amusait comme un petit fou. Au moins, sa tactique ridicule avait fait fuir les pestes.
"Consternant !" murmura-t-elle à côté de Darren, mais il n’y avait pas de haine dans sa remarque.
« Mais intelligent. » compléta le soldat en souriant. « Tu as toujours envie de manger quelque chose piqué sur le corps d’un soldat qui bave vert ? »
« Des fois je change de couleur pour le délire. Le violet, ça choque pas mal aussi ! » s’amusa Max en ajustant les bretelles de son sac. « Mais toi, Lyanna, t’es hors compet. Je te vois trop avec du rouge bien sombre façon vampire. Comment tu leur ferais peur ! »
« Hm...oui, ce serait à essayer. » répondit-il, histoire de la taquiner.
Lyanna fronça les sourcils, et regarda Darren.
"C’est quoi, un vampire ?"
« Une créature imaginaire, habituellement une séductrice. Elle se gorge du sang de ses proies pour se désaltérer. »
Il sourit lorsque la comparaison lui vient naturellement.
« Le chocolat chez toi, c’est le sang pour un vampire. »
Lorsqu’elle eut la réponse à sa question, le visage de Lyanna s’illumina alors qu’elle comprenait de quoi voulait parler Max. Son regard se posa sur le jeune soldat, et elle le fixa intensément, les bras croisés. On aurait pu croire qu’elle voulait se jeter sur lui pour s’occuper de son cas, pourtant elle ne fit rien. Elle se contenta simplement de le regarder, avant de prendre la parole.
"Ah oui, je vois bien la situation. Ce serait une bonne idée : je te mords, et comme ça, j’aurais beaucoup de sang qui coulera de ma bouche. Tu en penses quoi ? Ça serait suffisamment effrayant ?"
La jeune femme semblait sérieuse, elle était entrain de défier Max uniquement avec des mots, pour lui faire peur. Bien entendu, elle ne tenterait rien contre lui, elle ne faisait que le taquiner … à sa manière. Elle aimait bien l’intimider, le jeune soldat ne savait jamais si elle était sérieuse ou non.
Entouré par Jim et Darren, il se sentait l’envie de lui balancer une vacherie ou de contrer son humour trop sanguinaire à son goût. Mais il se rappelait de ce moment où il s’était retrouvé seul avec elle, après lui avoir envoyé un rouleau de papier toilette au visage, et songea à ce qu’elle pourrait faire contre lui.
Max hésita, s’essuyant toujours la bouche de la mousse qui le dérangeait maintenant.
« T’es pas cool ! » lâcha-t-il dans une plainte.
"Ca, c’était pour l’attaque au papier toilette, toute à l’heure !" lui lança-t-elle avec un petit sourire victorieux.
« On tergiversera sur l’humour de Lyanna un autre jour. Avançons. »
Max profita que le reste de l’équipe se détourne, dans le but de reprendre la seule route empruntable, pour loucher et faire une grimace parfaitement moqueuse à l’adresse de Lyanna. Il avait l’air de l’idiot du village...qui se moquait d’elle. La jeune femme lui lança un regard plein de sous entendus, avant de marcher à côté de Darren. C’était un véritable miracle qu’elle n’ait pas sauté sur le jeune soldat. A croire qu’elle tolérait peu à peu Max dans sa vie.
Le D4 se rendit jusqu’au pied du temple.
La crasse et la misère lui avait assombri la pierre, comme une corruption qui gangrènait une pureté sur le déclin. Etant donné que ce refuge était très respecté par la population, les réfugiées se rendaient sur ces marches avec un mélange de respect et de crainte. Elles avaient installé à plusieurs endroits des autels sacrés. On y trouvait des colifichets, des restes de bougies, de dessins, des gravures. Tout ce qui semblait représenter l’espoir et un appel à l’aide.
« Ils ouvrent la porte qu’une fois par jour. » les informa Darren en partageant leur observation de cet endroit autrefois majestueux. L’édifice était si grand que des oiseaux volaient à hauteur de toiture, ridiculement petit en comparaison du reste.
« On doit passer à ce moment-là ? »
« Non, ils m’ont ouvert quand je me suis présenté. Atlantis semble faire exception. C’est juste que les refugiées ont tendance à se coller pour essayer de franchir les portes à la sauvette. »
« Y’a un truc que je pige pas... »
Max zieuta ses collègues.
« Si le refuge, c’est après le temple, pourquoi ils n’y vont pas eux-mêmes ? »
Il donna un coup de menton vers les femmes qui les fixaient d’un œil sombre.
« On voit bien qu’elles sont prêtes à tout alors... »
« J’ai quelque chose à vous montrer, vous allez comprendre. »
Darren prit les devants et glissa sur un flanc du temple. Il marcha quelques minutes, jusqu’à la ruine du seul pilier de pierre qui s’était effondré. Son diamètre était si important que toute l’équipe pouvait y grimper. Ils n’étaient que des fourmis en comparaison du reste.
Peut-être par habitude, ou parce qu’il n’avait pas réfléchi, Darren commit l’erreur de prendre la main de Lyanna pour l’aider à grimper dans un élan de galanterie. Jim se racla la gorge pour le prévenir, il donna un coup d'œil qui l’alerta qu’il était déjà surpris par une bande de femmes. S’il était le sujet de leur haine, elles toisaient maintenant Lyanna en l’accusant ouvertement de traîtrise. Deux d’entres elles, encapuchonnées dans une toile de jute pleines de croûtes et de vermines, jetèrent des morceaux de cailloux dans leurs directions sans pouvoir les atteindre.
Depuis ce point d’observation, certains détails se remarquaient beaucoup plus facilement.
Le bidonville s’étalait de chaque côté du bâtiment. Mais très vite, l’équipe remarqua rapidement ce qui expliquait une telle densité. Il y avait un mur d’enceinte, aussi imposant et surdimensionné que le reste du temple. Il serpentait à perte de vue, en un demi-arc de cercle, qui empêchait tout accès en direction des terres. Le rempart était étrangement décoré, grevé de statues de femmes tout au long de sa surface. Les effigies tentaient de grimper ce mur, les mains en avant, paralysées pour l’éternité.
« Là, ici. »
Darren pointa du doigt un petit groupe de femmes. Elles formaient un convoi en chantant dans une langue inconnue. Malgré ça, on comprenait suffisamment bien l’intonation de la voix. Des encouragements. Les poings levés, elles invectivaient une réfugiée d’une trentaine d'années. Elle était brune, aveugle d’un œil, avec quelques taches de rousseur sur le visage. En relative bonne forme physique, elle assura le ballot qui se suspendait à son dos et laissa découvrir soudainement qu’il s’agissait d’un bébé. Elle monta sur un léger promontoire entre les tentes pour regarder toutes celles qui lui témoignaient des encouragements. Elle leur répondit d’un signe de la main puis s’engagea au pied du rempart. Etrangement, les tentes ne se collaient pas à la pierre. Ils avaient beau manquer de place, un bon mètre séparait les abris du mur d’enceinte.
La brune fit quelques mètres en observant les sculptures, comme si elle était en train de les étudier ou de choisir quelque chose. Elle se mit d’accord, assura ses affaires, puis son regard tomba sur celui de Lyanna. Une bonne centaine de mètres les séparaient mais c’était bien elle qu’elle regardait comme ça. La guerrière ne cessait de la fixer, en fronçant les sourcils, sans comprendre ce que la jeune femme voulait faire avec son enfant.
Quelques secondes s’écoulèrent puis la femme décida d’agir. Sous les encouragements encore plus bruyants des femmes, elle sauta soudainement sur les sculptures et grimpa le plus rapidement possible. On criait, on chantait, on s’exclamait dans son dos. Mais bien vite, les extrémités de cette femme devinrent de la pierre. Elle s’écria en les décrochant brutalement de ses appuis, un claquement sourd révélant qu’ils avaient failli fusionner avec le mur d’enceinte, puis elle tenta vainement de bouger les pieds.
En voyant ce qui lui arrivait, horrifiée par ce spectacle, Lyanna fit un pas en avant pour aller lui porter secours. Mais elle fut retenue par Darren qui l’empêcha d’aller plus loin. La guerrière dut assister impuissante à cette scène odieuse. Le phénomène gagna tout le corps de la jeune femme. La réfugiée se pétrifia progressivement sous les regards des spectatrices qui cessaient de chanter. On entendit alors le terrible hurlement d’agonie et de terreur de cette femme, le visage tourné vers le ciel, la main tendue vers cette fameuse liberté auquel elle avait espéré. Elle termina immobile, statue parmi les statues, délaissée par toutes les autres réfugiées qui repartirent tranquillement à leurs occupations. Lyanna serra les poings, en colère d’avoir vu une telle chose sans que personne ne fasse rien. A voir toutes ces statues, ces femmes avaient été très nombreuses à tenter l'ascension. En vain.
Darren conclut, dépité.
« Le temple, c’est le seul accès. »
« J’espère qu’April n’est pas... »
« Mais non, voyons. »
Jim considéra le mur d’enceinte encore un bon moment. Il devait y avoir des milliers de statues qui couraient tout le long des murs, peut-être même plus. Le patriarche du groupe intégra l’information puis se tourna vers ses équipiers.
« Avant d’entrer, on va poser quelques questions. On reste groupé. »
Il fixa l’Amazone.
« Je vous laisse le choix de nous suivre. Sinon Darren reste, le temps pour vous d’étudier les notes d’April sur Natäelle. »
Le regard de Lyanna resta fixé quelques secondes sur la femme et son bébé pétrifiés, avant que la voix de Jim ne la ramène à la réalité. Elle secoua la tête, réfléchissant à ce qu’elle voulait faire. Suivre le groupe ? Ou lire les écrits d’April ?
"Je veux lire ses notes !"
Jim acquiesça.
« Restez ici, on se reverra facilement. »
Il donna une tape sur l’épaule de Darren avant de s’en aller en compagnie de Max. Ce dernier venait de retirer de sa veste des photocopies de la photographie d’April. A cause des différentes langues inconnues, c’était plus évident de montrer un visage avec l’air interrogateur.
Quelques instant plus tard, une fois certain que le binôme s’était éloigné, Darren intervint d’une voix compatissante :
« Je suis désolé, Lyana. Mais tu ne pouvais rien pour elle. »
Il releva le nez pour observer le taudis.
« Il y a des morts tous les jours dans ce bourbier. »
Lyanna soupira, regardant à nouveau le mur.
"Mais qu’est ce qui s’est passé ? Pourquoi sont-elles toutes devenues des statues de pierre ? Ce mur est maudit ?"
« C’est une question que tu pourras poser à Nataëlle. Mais fais moi plaisir, mon amour, n’approche pas ta main de ce foutu mur ! »
eden memories